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Marine Martin Présidente de l’Association d’aide aux Parents d’Enfants souffrant du Syndrome de l’Anti-Convulsivant(APESAC), lanceuse d’alerte de la Dépakine.

 Marine, pouvez-vous nous raconter l’histoire de Nathan et la vôtre ?

Nathan est mon deuxième enfant et il est né en 2002 avec une malformation uro-génitale. Au fil des ans, il n’a pas babillé, ne s’est pas tenu droit, n’a pas marché aux âges habituels. J’ai compris qu’il y avait un souci, l’ai fait suivre en Centre d’Action Médico-Sociale Précoce (CAMSP) où l’équipe m’a confirmé que ce n’était pas un simple retard. Il avait des troubles autistiques et du langage. J’ai été confrontée à l’errance diagnostique, j’ai consulté plusieurs médecins mais n’ai pas eu de réponse. Certains m’ont dissuadé de rechercher les causes, l’un d’eux m’a même traité de « grosse feignasse ». Ce n’est qu’en 2011 qu’un généticien va poser le diagnostic d’embryofoetopathie au valproate ou « enfant dépakine ».

 En parallèle, j’ai beaucoup cherché à m’informer. Par exemple, après avoir lu un article sur les fils d’agriculteurs ayant des malformations dues aux pesticides, j’ai fait le rapprochement avec Nathan et contacté le Centre de Référence sur les Agents Tératogènes qui m’a confirmé que la Dépakine, le médicament que je prenais contre l’épilepsie depuis mon plus jeune âge, était dangereux pour les femmes enceintes.

 Pourquoi et comment avez-vous créé l’APESAC ?

 Après cette période où je me suis informée, où j’ai appris qu’un procès avait été perdu par une maman de Tours dans la même situation, j’ai fait un rêve la nuit du nouvel an 2011 : j’assistais à un viol sans réagir. J’ai alors réveillé le papa de Nathan et je lui ai dit que j’allais créer une association. C’est comme ça que l’APESAC est née. Mon objectif était d’informer les femmes épileptiques des dangers de certains médicaments sur le fœtus, en l’absence d’une telle information dans les notices de médicaments ou des médecins. J’ai alors diffusé de nombreux flyers dans les CAMSP et les Centres Médico-Psychologiques pour développer l’information et contacter d’autres familles. Peu de choses ont bougé.

 

Deux rencontres m’ont alors aidée : les formations et l’aide apportées par l’Alliance Maladies Rares, à laquelle l’APESAC avait adhéré, et l’engagement de Maître Charles Joseph-Oudin, l’avocat du Dr Irène Frachon qui avait révélé « l’affaire du Médiator », aux côtés de l’APESAC.

 Entre la création de l’association en 2011 et aujourd’hui, qu’est ce qui a changé ?

 A partir de là, notre mobilisation, l’implication d’acteurs de la santé publique et des medias, ont commencé à faire bouger les lignes. En 2014, l’Agence Européenne du Médicament a réévalué les conditions de prescription de la Dépakine, après que l’APESAC ait demandé avec force cette réévaluation. C’était important de mieux encadrer la prescription car ce médicament ne peut être retiré du marché, étant indispensable pour certaines personnes malades.

 Grâce à une grosse médiatisation, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé(ANSM) a ensuite mis en place un nouveau protocole pour la prescription de la Dépakine. En 2016, suite aux fuites dans la presse d’un rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales sur l’inertie du laboratoire Sanofi de mettre en conformité la notice du médicament avec les connaissances scientifiques, nous avons obtenu la mise en place d’un fonds d’Indemnisation des victimes de la Dépakine. Ce fonds est effectif depuis le 1er juillet 2017. Je précise qu’il existe grâce à un financement intégralement public.

 

Un autre combat de l’APESAC a abouti l’année dernière : une signalétique spécifique a été créée sur les boîtes des médicaments tératogènes, c’est-à-dire présentant un risque pour le fœtus. Le protocole sur la prescription de la Dépakine a aussi été amélioré car, selon deux rapports officiels, seuls 50% des médecins le respectaient. 

Notre action et le soutien des medias ont aussi largement contribué à diffuser l’information et à sensibiliser les mamans concernées et les médecins.

 

Quels premiers enseignements pouvez-vous tirer de votre mobilisation ?

 

Si les patients ne sont pas au cœur de la pharmacovigilance, rien ne se fait dans la transparence. Je ne pensais pas être confrontée à de telles collusions d’intérêts, je parle de situations où il existe parfois de la « pharmaco délinquance ».

 

Quelles sont les prochaines étapes ?

 

Je veux et espère que nous connaitrons le nombre réel de victimes grâce à une étude complète et transparente. Il est aussi important de mettre en place une cohorte des personnes victimes de la Dépakine afin de suivre l’évolution de leur santé et prendre les mesures médicales adaptées. Des études doivent aussi être menées pour connaître les « victimes de deuxième génération », c’est-à-dire les petits-enfants des femmes qui ont pris de la Dépakine, car ces enfants sont également touchés.

 

J’ai également demandé à la Ministre de la santé au mois de novembre qu’une campagne télé et d’affichage dans les hôpitaux soit mise en œuvre pour sensibiliser aux risques des antiépileptiques.

 

Si vous pouviez utiliser une baguette magique, que feriez-vous ?

 

Je ferais deux choses : bien sûr, redonner la santé à ces milliers d’enfants qui sont malades et pour lesquels je me bats, puis rendre le système de pharmacovigilance indépendant de l’industrie pharmaceutique pour garantir la transparence et l’impartialité des études scientifiques.

 

Marine Martin a publié Dépakine, le scandale, je ne pouvais pas me taire, aux éditions Robert Laffont

 

Source: Maladies rares info

 

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