Ouest France
« Les atteintes des enfants sont bien imputables à la Dépakine. » La bataille judiciaire menée par ce couple de Bretons contre Sanofi s’est étirée durant neuf longues années, menée par Charles Joseph-Oudin, leur avocat. En janvier 2024, la responsabilité du laboratoire dans le handicap de leurs trois enfants a finalement été reconnue. Le couple a reçu une réparation financière de 1,620 million par l’Oniam, un fonds d’indemnisation créé par l’État.
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Si leur combat n’a pas été vain, la victoire a un goût amer, « car malheureusement, nos enfants seront toujours handicapés »,révèlent les parents. Leurs garçons, âgés de 25 à 33 ans, souffrent de troubles du comportement après avoir été exposés à la Dépakine in utero. Ce médicament a été prescrit à leur maman, dès l’âge de 12 ans, pour traiter son épilepsie.
« Tout le monde s’est tu »
Aujourd’hui, l’aîné est « relativement autonome ». Il travaille au sein d’un Esatco et vit dans son propre appartement. En revanche, le cadet, 30 ans, et le benjamin, 25 ans, sont lourdement handicapés. « Ils ne sauront jamais s’occuper d’eux-mêmes,racontent les parents. Le dernier ne parle pas du tout… »
Le couple a découvert le scandale de la Dépakine dans les médias, en 2015. Il rejoint alors l’association de défense des victimes (l’Apesac) , qui intente la première action de groupe dans le domaine de la santé (lire ci-dessous).
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Jusqu’ici, lorsque ces parents avaient cherché à comprendre la cause du handicap de leurs enfants auprès des spécialistes, ils obtenaient comme seule réponse : « On ne saura sans doute jamais. »
« Pourtant, depuis des décennies, les médecins savaient que la Dépakine provoquait des malformations sur les fœtus et des troubles du comportement, et tout le monde s’est tu », accuse la maman.
« Le médecin nous a affirmé qu’il n’y avait pas de problème »
Les époux sont d’autant plus révoltés, qu’avant la première grossesse, ils avaient consulté un généticien. « On voulait s’assurer que tout irait bien par rapport à la maladie de ma femme et parce queje suis moi-même atteint d’une maladie génétique,rapporte le papa. Le médecin nous a affirmé qu’il n’y avait pas de problème et qu’il fallait continuer le traitement. »
À la naissance de l’aîné, en effet, tout va bien. Ses troubles ne sont mis en évidence qu’en 1998, à l’école. Il a 7 ans. Le cadet, âgé de 5 ans, est diagnostiqué dans la foulée. Le handicap du petit dernier est détecté quelques jours après sa naissance.
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Scolarisés quelques années dans des institutions spécialisées, les deux plus jeunes ont regagné le cocon familial à plein temps depuis dix ans. Ils nécessitent une attention de tous les instants et laissent peu de répit à leurs parents. Mais ces derniers ne regrettent pas leur choix. « Ici, nos enfants sont bien. »
La bataille contre Sanofi derrière eux, le couple rêve à nouveau de « faire des choses tous ensemble ». Férus de vélo et de nature, ils avaient abandonné les voyages, voilà quinze ans, « c’était devenu trop compliqué. »
Construire un habitat partagé
Ils espèrent reprendre la route cet été, à bord de leur camping-car, pour recréer de jolis souvenirs et oublier, le temps d’une journée ou d’une semaine, l’angoisse qui les étreint au quotidien : « Que deviendront nos fils quand nous ne serons plus de ce monde ? »
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Le couple aimerait « trouver un terrain et y construire un habitat partagé pour accueillir plusieurs enfants comme les nôtres. » Leur récente indemnisation rend désormais ce projet possible. C’est pourquoi ils encouragent les victimes de la Dépakine à « ne jamaisabandonner. Les gens qui ont empoisonné nos enfants doivent payer. »