L’indépendant, 10 septembre 2024
Dans son jugement rendu ce lundi 9 septembre 2024, le tribunal judiciaire de Paris vient de condamner le laboratoire Sanofi à verser à Martine Marin, une habitante de Pollestres, présidente catalane de l’Apesac (association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsant Dépakine) et à ses deux enfants près de 285 000 euros d’indemnités. Le groupe pharmaceutique était poursuivi pour « défaut d’information » sur les risques de malformation et neurodéveloppementaux causés par ce produit « défectueux » qu’il commercialisait depuis 1967 et qui avait été mis en cause en 2001.
Elle n’a pas baissé les bras pendant 12 longues années. Et son combat vient de se solder par une énorme victoire judiciaire ce lundi. La lanceuse d’alerte des Pyrénées-Orientales Marine Martin a obtenu du tribunal judiciaire de Paris la condamnation du groupe Sanofi-Aventis France. Jugé ce lundi « responsable d’un défaut d’information des risques malformatifs et neurodéveloppementaux de la Dépakine qu’elle commercialisait, du maintien en circulation d’un produit qu’elle savait défectueux, et d’une faute de vigilance au moment des grossesses de Madame Marine Martin, entre 1998 et 2002« .
Marine Martin, résidant à Pollestres, maman de deux enfants touchés par des malformations et troubles neurologiques, avait découvert en 2009 que la Dépakine qu’elle avait prise lorsqu’elle était enceinte pour soigner son épilepsie était fœto-toxique. Or, aucune information en ce sens ne figurait sur la notice du médicament. La mère de famille s’est alors lancée dans une bataille colossale, dénonçant haut et fort les risques de plusieurs antiépileptiques et, en 2011, a créé l’association Apesac (association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsant Dépakine), réunissant 7 500 familles. Au cœur du plus gros scandale pharmaceutique de France.
« Une décision emblématique pour toutes les victimes »
Une décennie plus tard, la justice vient de lui donner gain de cause. « Dès lors que le médicament avait révélé́ des effets indésirables sur le fœtus, il était nécessaire et prudent de rechercher d’autres éventuels effets indésirables à plus long terme s’agissant d’une population exposée et fragile, les femmes souffrant d’épilepsie, pour laquelle aucun essai clinique n’avait pu être fait avant la mise en circulation du produit », considèrent les magistrats. Qui ont ainsi condamné l’entreprise pharmaceutique à verser 285 000 € d’indemnités au total à la mère et à ses deux enfants. « Mes enfants, à bout de nerfs à la suite de quatre expertises judiciaires, avaient accepté l’ONIAM (Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux) mais ils ont une réparation pour les divers préjudices qui n’avaient pas été pris en compte, dont 50 000 € pour l’anxiété reconnue comme préjudice propre », explique-t-elle. 143 000 € sont par ailleurs alloués à la maman pour la perte de gains professionnels, le préjudice d’affection, le trouble dans les conditions d’assistance… » quand l’ONIAM proposait 26 000 € », précise-t-elle. « Moi, j’ai voulu continuer pour ouvrir la voie aux milliers de victimes que je fédère au sein de l’association. Je reste amère tant Sanofi a utilisé tous les moyens possibles pour me décourager et fuir ses responsabilités. Mais cette décision est importante et emblématique du parcours judiciaire des victimes de la Dépakine. Ce jugement justifie mon combat et conforte le mien. Surtout, Sanofi ne peut pas dire qu’il ne connaissait pas les risques à cette époque ni invoquer la responsabilité de l’agence du médicament pour s’exonérer de sa responsabilité. Et, il est urgent que la firme sorte de son attitude de déni méprisant vis-à-vis des victimes de son produit ».
Article source : Scandale de la Dépakine : après 12 ans de combat, Sanofi condamnée à indemniser la maman courage des Pyrénées-Orientales
Par Laure Moysset