L’Informé
Délais trop longs, montants trop faibles… l’inspection générale des affaires sociales se plonge dans le fonctionnement et les comptes de l’organisme public chargé de dédommager les patients.
L’Oniam est de nouveau sur la sellette. L ’Informé a appris que la police des affaires sociales, ou Inspection Générale des Affaires sociales, scrute actuellement le fonctionnement de cet établissement public chargé de l’indemnisation des patients. Les enquêteurs ont multiplié les auditions ces derniers mois, auprès d’experts du monde de la santé, d’assureurs, d’associations de victimes et de l’administration en question, en vue de l’élaboration d’un rapport d’évaluation. Leur mission a démarré après une requête conjointe datée du 21 février 2023 du ministre de la Santé, François Braun, et de Gabriel Attal, alors ministre des comptes publics. Elle portait initialement sur l’évaluation du contrat d’objectif et de performances (COP) 2021- 2023 de l’Oniam, la feuille de route stratégique signée entre l’organisme public et sa tutelle. Un contrat entre-temps prolongé jusqu’à la fin 2024, précise Sébastien Leloup, directeur général de l’Oniam, qui confirme l’enquête en cours. L’IGAS « travaille avec nous pour préparer le prochain C OP à compter du 1 janvier 2025. À ce stade il est prématuré de communiquer sur ce sujet » ajoute-t-il.
Selon nos informations, l’évaluation porte sur trois sujets prioritaires. Au-delà de la modernisation de l’établissement et de son système informatique, elle se concentre surtout sur la raison d’être même de la structure publique : l’indemnisation des victimes. À l’occasion de son dernier rapport officiel, portant sur l’exercice 2022, l’Oniam affichait des versements de 183 millions d’euros. Insuffisants pour beaucoup. « Les paiements sont plus faibles qu’ils ne de vraient être, et surtout les délais ne sont pas raisonnables » dénonce ainsi Marine Martin, à la tête de l’association des victimes de la Depakine, l’APESAC.
Autre thème de l’enquête de l’IGAS : le recouvrement des sommes attribuées. Car l’Oniam avance les indemnités lorsque les labos, assureurs ou autres personnes morales ne le font pas dans les trois mois prévus. L’office se retourne ensuite contre ces acteurs pour être remboursé. Or les taux de recouvrement seraient insuffisants dans certains cas – notamment lorsque les interlocuteurs de l’établissement refusent de payer, comme Sanofi dans le dossier Depakine par exemple. En 2017 déjà, la Cour des comptes avait épinglé les « défaillances » de la structure, précipitant le renouvellement de sa direction générale. Les délais, le rejet des trois-quarts des demandes d’indemnisation et la faiblesse des montants alloués avaient été pointés par les magistrats. Mais sept ans plus tard, rien ne semble avoir vraiment changé… Et la justice n’a pas été tendre avec l’organisation ces derniers temps. Ainsi, le tribunal administratif de Rennes a reconnu le 27 mars un nouveau préjudice pour une victime d’accident médical, dont l’origine n’est autre que… l’Oniam lui-même : selon le juge, le plaignant a reçu une offre d’indemnisation trop faible de la part de l’établissement public. Le cas n’est pas isolé. Les indemnisations proposées par l’organisme sont en effet souvent plus faibles que celles obtenues en passant par le système judiciaire. Dans le cas examiné par le tribunal rennais, la victime avait développé des symptômes graves après un vaccin H1N1. L’Oniam lui a accordé 162 667 euros, une somme jugée incohérente avec le barème de référence. Selon les calculs du juge, le montant adjugé ne représente qu’un cinquième de ce que la victime aurait dû recevoir, soit 820 767 euros. Un nouveau désaveu pour l’établissement public.