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Des avancées « prometteuses » dans l’affaire Dépakine

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PARIS, 18 octobre 2024 (APMnews) – La condamnation de Sanofi à indemniser Marine Martin, présidente de l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac), et ses deux enfants notamment pour défaut d’information sur les risques tératogènes de Dépakine* (valproate de sodium) représente une décision « importante » et « prometteuse » pour les victimes, estiment l’intéressée et son avocat, Me Charles Joseph-Oudin, auprès d’APMnews.

Le tribunal judiciaire (TJ) de Paris a condamné le groupe pharmaceutique, le 9 septembre dernier, à indemniser Marine Martin et ses enfants pour défaut d’information sur les risques pour le fœtus de cet anti-épileptique pris pendant la grossesse, maintien sur le marché d’un produit défectueux et faute de vigilance (cf dépêche du 10/09/2024 à 16:07).

C’est en 2009 que Marine Martin a commencé à faire un lien entre les handicaps de ses enfants et son traitement anti-épileptique. Elle a créé l’Apesac en 2011 et lancé une procédure civile contre Sanofi début 2012 avec Me Charles Joseph-Oudin (cf dépêche du 04/04/2017 à 19:00).

Cette décision « redonne de l’espoir aux familles que la justice fait son travail, même lorsqu’elles ont déjà été indemnisées » par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam), commente la présidente de l’Apesac auprès d’APMnews, mercredi.

« C’est une décision très importante, très prometteuse » car elle « ouvre des pistes », renchérit son avocat, interrogé jeudi. Il rappelle que Sanofi n’a pas encore interjeté appel mais s’attend à ce qu’il le fasse.

Dans le dossier de la famille Martin, le tribunal judiciaire de Paris règle tout d’abord le problème de la prescription « de façon très favorable aux victimes et surtout, écarte les exceptions soulevées par Sanofi ».

Tout d’abord, il rejette son argument selon lequel il avait transmis toutes les informations à l’Etat, représenté par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui n’aurait pas agi en conséquence. « Le tribunal a considéré que Sanofi devait être pro-actif en menant des études et devait informer les patients et que la faute de l’Etat ne l’exonérait pas de la sienne. »

Ensuite, il écarte « l’exonération pour risque de développement », considérant au regard de la pharmacovigilance et de la littérature scientifique que le risque de troubles neurodéveloppementaux est connu depuis 1984, alors que Sanofi affirme qu’il ne pouvait pas connaître un risque qui est apparu progressivement et tardivement, rapporte l’avocat.

Un « autre enseignement important » de cette décision est la meilleure indemnisation de la justice civile que celle proposée par l’Oniam, à hauteur de 153.000 €, contre 22.000 €, ce qui montre qu’il existe pour les familles « un réel intérêt d’aller en justice, qui a un mode de calcul plus favorable », par exemple pour la perte de gains des parents. Marine Martin avait refusé l’offre de l’Oniam.

« De manière générale, un préjudice ne peut pas être indemnisé deux fois. Mais le tribunal judiciaire examine tous les postes de préjudice et peut décider d’une indemnisation pour ceux qui n’ont pas été payés par l’Oniam », explique Me Joseph-Oudin.

En outre, le TJ de Paris a reconnu l’anxiété de chaque enfant pour avoir été exposé à un produit défectueux alors que « ce n’est pas dans la philosophie de l’Oniam d’indemniser ce préjudice ». L’avocat espère que cette décision fera jurisprudence dans l’action conjointe déposée à Nanterre par une centaine de familles pour réparation de ce préjudice, « qu’on soit malade ou pas ». « La recevabilité de cette demande a été validée en août et Sanofi a fait appel. On espère une audience en 2025.

Appel au ministère pour modifier le barème de l’Oniam

Le conseil de l’Apesac souhaite également rebondir sur la décision du TJ de Paris pour demander une nouvelle fois au ministère de la santé de modifier les règles de calcul des indemnisations de l’Oniam. »Le cas de Marine Martin est criant du caractère inique de ce mode de calcul! Là, des familles vont refuser ou accepter seulement partiellement les offres de l’Oniam. »

La procédure d’indemnisation prévoit que l’Oniam se substitue au responsable lorsqu’il est défaillant, « au titre de la solidarité nationale lorsqu’il s’agit d’un aléa thérapeutique par exemple » et à la place d’un tiers responsable qui refuse de payer. Or, le barème des indemnisations de l’Oniam est de « 50% inférieur en général à celui des juges ». « Ce différentiel défavorable aux victimes, qui est connu, peut se comprendre » dans le premier cas, « mais pas lorsque c’est un industriel » qui fait alors des économies.

En outre, lorsque l’Oniam se substitue ainsi, il doit ensuite aller récupérer l’argent et pour cela, ouvrir des procédures contre Sanofi devant le tribunal de Bobigny, rappelle Me Joseph-Oudin.

Parmi 4.064 demandes d’indemnisation (dont 946 pour des victimes directes) reçues par l’Oniam au 31 août, 1.660 (dont 349 victimes directes) ont accepté une offre pour un montant total versé de 79,7 millions d’euros (M€), a récapitulé auprès d’APMnews le directeur de l’Oniam, Sébastien Leloup.

Sur ce montant, 1,9 M€ ont été versés au titre de la solidarité nationale, 13 M€ au titre de la part de l’Etat et 64,8 M€ en substitution. Pour ce dernier montant, l’Oniam a émis des ordres de recouvrement quasiexclusivement contre Sanofi (92% des 834 titres émis), au titre du remboursement des sommes versées en substitution des responsables défaillants. Ces titres de recette sont systématiquement contestés en justice par le laboratoire et ces contentieux ont un coût pour l’Oniam, de plus de 1,5 M€ en honoraires d’avocats, ajoute son directeur.

Un procès pénal en 2026 ou 2027

Normalement, ces procédures ne concernent que l’Oniam et Sanofi, les victimes ne sont pas présentes. Mais « nous sommes intervenus volontairement dans certains dossiers pour demander une indemnisation complémentaire par Sanofi, selon le référentiel des juges, des préjudices non indemnisés par l’Oniam », fait savoir Me Joseph-Oudin. « La jurisprudence Martin nous donne raison en partie. »

Le tribunal de Bobigny doit se prononcer en novembre sur la recevabilité de cette demande.

« Il est urgent que la firme sorte de son attitude de déni méprisant vis-à-vis des victimes et assume enfin sa responsabilité envers les familles impactées par ce médicament », poursuite l’avocat. Alors qu’il accompagne déjà 750 familles dans leur démarche auprès de l’Oniam et autant qui vont déposer prochainement leur dossier, il estime que les indemnisations versées pourraient s’élever à 150 millions à la fin de l’année et le double fin 2025.

Concernant les autres procédures en cours, il « espère » une décision en appel concernant l’action de groupe courant 2025 (cf dépêche du 05/01/2022 à 16:36) et surtout, au pénal, « une première ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel d’ici à l’été 2025 pour certains dossiers », avec la perspective d’un procès en « 2026-2027 ». « 

Des familles ont participé à des expertises dans le cadre de la procédure pénale. Ce serait une satisfaction que le procès puisse enfin se tenir », a commenté Marine Martin. Les premières plaintes au pénal ont été déposées en 2015 devant le TJ de Paris (cf dépêche du 06/07/2015 à 11:17), rappelle-t-on.

L’évolution du pictogramme « grossesse » incompréhensible pour l’Apesac

Interrogée sur la consultation publique lancée par l’ANSM sur la réévaluation du pictogramme « grossesse » sur les boîtes de médicament (cf dépêche du 05/09/2024 à 14:35), qui s’achève ce vendredi au soir, Marine Martin a fait part de son incompréhension. Pour elle, et selon un sondage Ipsos de juin 2023, le triangle rouge et le rond barré sont bien compris par les patientes. Elle craint que la signalétique proposée par l’ANSM, en se rapprochant du Nutriscore, « banalise le médicament, l’assimile à un produit courant ». Les triangles bleu pour « risque peu probable » et violet pour « interdit » lui paraissent en particulier peu compréhensibles, avec « des références couleur qui n’existent pas ». Cet étiquetage qui découle de l’affaire Dépakine* (cf dépêche du 28/02/2017 à 18:15) sera maintenu pour les boîtes de l’anti-épileptique puisqu’il a été validé par l’Agence européenne du médicament (EMA), assure Marine Martin. « Comment la France, qui cède ainsi à la pression des laboratoires pharmaceutiques, va pouvoir légitimer des pictogrammes différents de ceux utilisés ailleurs en Europe ou aux Etats-Unis? », se demande-telle.

Dépêche source : Des avancées « prometteuses » dans l’affaire Dépakine
Par Luu-Ly DO QUANG

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