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Rejets hors norme chez Sanofi Mourenx : une famille porte plainte

La République des Pyrénées

L’Apesac, l’association des victimes de la Dépakine, a confirmé dimanche soir le dépôt de plainte contre X d’une famille, dont les deux enfants sont atteints de troubles neurocomportementaux et de malformations. La maman travaillait non loin de l’usine Sanofi.

Les rejets hors norme de l’usine Sanofi de Mourenx, qui font déjà l’objet d’une enquête judiciaire, ont-ils eu des conséquences directes sur la santé de femmes enceintes et de leurs enfants ?

C’est la question qui revient dans l’actualité, depuis le dépôt de plainte, mercredi dernier, d’une famille, plainte contre X pour mise en danger d’autrui, atteinte à l’intégrité de la personne avec ITT de plus de trois mois et non-signalement de faits indésirables.

L’Apesac, l’association des victimes de la Dépakine, a confirmé cette démarche dimanche soir, quelques minutes après la parution sur le site du Monde d’un article relayant le témoignage de familles riveraines ou travaillant près de l’usine Sanofi.

Parmi ces familles, celle de Mélanie (1), dont les deux enfants, nés en 2014 et 2016, « présentent des troubles neurodéveloppementaux semblables à ceux observés chez les enfants exposés in utero à la Dépakine » écrit notre confrère du Monde. Deux enfants diagnostiqués autistes.

Or, la jeune femme n’a jamais consommé de Dépakine mais « cette mère de deux enfants atteints de troubles neurocomportementaux et de malformations, travaille en face de l’usine de Sanofi lors de ses deux grossesses » précise l’Apesac. L’association avait conseillé en 2018 à cette mère de famille de réaliser un test pour relever son taux de dépakinemie « qui se révèle positif comme chez de nombreux salariés » nous précise Marine Martin, présidente de l’Apesac.

Première plainte individuelle dans ce dossier

Mélanie a donc déposé plainte auprès du pôle santé publique du tribunal judiciaire de Paris. Celui-là même qui mène, depuis plus d’un an et l’ouverture d’une information judiciaire, des investigations sous la direction d’une juge d’instruction.

Pour mémoire, le syndicat CGT de Sanofi, avec également la Fnic CGT et l’Union locale CGT de Mourenx, avaient déposé plainte contre X à l’automne 2019, notamment pour mise en danger d’autrui et exploitation d’une installation classée sans respecter les règles générales. Une plainte dans un premier temps classée irrecevable avant que cette décision ne soit cassée.

La Sepanso 64 et l’Apesac avaient également déposé plainte.

Comme nous le reprécisions le 13 septembre dernier, la justice essayait déjà d’y voir un peu plus clair dans cette affaire Sanofi Mourenx, révélée au grand jour à l’été 2018.

Il y a cinq ans et demi, un rapport de la Dreal, l’autorité régionale de l’environnement, avait pointé des taux de rejet dans l’air de valproate de sodium (qui sert à produire la Dépakine, médicament antiépileptique) mais aussi de bromopropane, bien au-delà des normes autorisées. Jusqu’à 190 000 fois le taux autorisé de COV, composés organiques volatiles, avaient été relevées.

« Entre 13,4 tonnes de valproate de sodium par an selon le scénario « réaliste » et 20,2 tonnes selon le scénario « enveloppe ». Le scénario « réaliste » correspondant au flux moyen mesuré, et le scénario « enveloppe » au flux maximum mesuré sur cette période » indique l’Apesac.

Le groupe pharmaceutique avait alors suspendu sa production durant plusieurs semaines, le temps de prendre des mesures pour s’assurer d’être dans les clous.

Comme nous le révélions, en septembre des auditions ont été menées. La présidente de l’Apesac, Marine Martin, nous précise qu’elle aussi a pu être entendue le 10 novembre dernier par la juge, « qui m’a interrogée sur les nombreuses familles qui avaient contacté l’association suite à la découverte dans la presse de l’existence de ces rejets ».

Jusqu’à présent, les inquiétudes ne s’étaient pas traduites par un dépôt de plainte. Celle de Mélanie est la première plainte individuelle dans ce dossier, et pourrait « délier les langues » espère Marine Martin. « Les familles vont peut-être prendre conscience de la gravité de la situation et vont commencer à rassembler les pièces pour essayer de demander réparation. Ce sera un travail long, mais attention à la prescription » prévient Marine Martin.

Elle évoque aussi « l’omerta » qui règne encore autour de Sanofi. « Je suis certaine qu’il y a d’autres personnes avec leurs enfants qui sont touchés, mais pour l’instant ils se taisent. C’est très difficile de critiquer quand derrière, on sait que Sanofi est un gros pourvoyeur d’emplois ». Et de prendre l’exemple d’Alain (1), qui témoigne aussi dans Le Monde, qui est chef d’entreprise sur le bassin et qui a perdu un bébé à naître à cause d’une acrânie.

« Probablement un cluster »

« Aujourd’hui il est inadmissible que là encore Sanofi affiche un déni de sa responsabilité dans les rejets toxiques qu’il a déversés entre 2013 et 2019 sur le bassin de Lacq. Il y a probablement un cluster dans cette région et j’invite toutes les familles de victimes à contacter l’association Apesac. Nous les guiderons dans la prise en charge de leurs enfants ainsi que dans les demandes de réparation » ajoute Marine Martin.

Pour sa part, Mélanie confie au Monde de ne pouvoir « rien affirmer » à ce stade. « Je m’interroge sur le lien entre mon exposition et les troubles constatés chez mes enfants, explique-t-elle. Mon espoir est que la justice se saisisse de cette plainte pour répondre à mes questions et enquêter au-delà de mon cas sur ce qui pourrait potentiellement être un scandale sanitaire ».

Me Charles Joseph-Oudin, avocat de Mélanie et de l’Apesac, a déjà déclaré qu’une dizaine de plaintes pour des affaires similaires sont en cours de constitution.

« À ce stade, aucune étude n’a permis de faire ressortir un risque spécifique lié à ces émissions » affirme Sanofi Sollicité, le groupe pharmaceutique Sanofi nous indique tout d’abord qu’il n’a « pas connaissance de cette procédure ». Il rappelle que l’atelier de production de Sanofi à Mourenx fabrique le valproate de sodium. « Il s’agit du principe actif d’un traitement indispensable pour des millions de patients souffrant d’épilepsie et qui figure sur la liste des médicaments essentiels établie par l’Organisation mondiale de la Santé » souligne Sanofi.

Le groupe reconnaît que le procédé de fabrication du valproate de sodium « génère certaines émissions atmosphériques pour lesquelles aucun seuil n’était fixé jusqu’en 2018 ». Et de souligner que « plusieurs études ont été réalisées ou sont en cours. À ce stade, aucune n’a permis de faire ressortir un risque spécifique lié à ces émissions ».

Sanofi cite en particulier une étude d’impact sur les risques sanitaires relatifs aux émissions passées du procédé de valproate de sodium réalisée par une société indépendante « qui a confirmé qu’il n’y a pas de risques sanitaires liés aux rejets ».

À partir d’août 2018, des seuils ont été fixés par arrêté préfectoral. « Sanofi a entrepris un large programme d’investissements sur son installation de Mourenx, qui répond à toutes les prescriptions préfectorales en matière d’émissions ». ajoute un porte-parole.

« Aujourd’hui, le site continue d’opérer normalement dans le respect des réglementations pour produire un traitement essentiel pour de très nombreux patients ».

(1) prénom d’emprunt

Source : La republique des pyrénées par Pierre Olivier Julien

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