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Dans les Pyrénées-Atlantiques, une mère a porté plainte contre X pour mise en danger d’autrui. Ses deux enfants présentent les mêmes troubles que les enfants exposés in utero à la Dépakine alors que cette maman n’a jamais pris ce traitement. En revanche, elle était exposée pendant des années aux rejets d’une usine la produisant. Cette contamination indirecte pourrait concerner de nombreux habitants.
C’est un nouvel acte qui s’ouvre dans le scandale pharmaceutique de la Dépakine. Selon une information Le Monde du 19 novembre, une mère a déposé plainte auprès du pôle santé publique du tribunal judiciaire de Paris pour mise en danger de la vie d’autrui : ses deux enfants sont atteints de troubles neurodéveloppementaux semblables à ceux observés chez les enfants exposés in utero à la Dépakine (l’antiépileptique est mis en cause dans des malformations). Mais pour la première fois, ce n’est pas la prise du traitement qui est en cause, mais les rejets toxiques dégagés par l’usine Sanofi, à proximité de son habitat à Mourenx (64). Si le lien de causalité est démontré, cela pourrait concerner plusieurs milliers de personnes.
Pour en savoir plus sur les risques, nous avons contacté Marine Martin, présidente de l’Apesac (Association d’Aide aux Parents d’Enfants souffrant du Syndrome de l’Anti-Convulsivant), active dans ce dossier.
Comment avez-vous pris connaissance de ce risque sanitaire des rejets Sanofi ?
Marine Martin : C’est justement par cette femme, qui m’a contactée en 2018, quand le scandale de la Dépakine a éclaté dans la presse. Elle m’a expliqué ne pas avoir pris de traitement, mais avoir travaillé juste en face de l’usine Sanofi produisant le valproate de sodium (le principe actif de la Dépakine) et avoir deux enfants qui présentaient des malformations typiques et des troubles autistiques, qu’on voit quand les femmes ont consommé de la Dépakine. Tout correspondait. Je lui ai conseillé de faire un test de « dépakinémie » normalement utilisé pour évaluer la thérapeutique épileptique, qui permettait de déterminer la présence de Dépakine on non dans son sang. Et alors que la durée de vie du médicament n’est que de 3 mois, son test s’est révélé positif. Cette mère ingurgitait bien de manière indirecte cette Dépakine.
Le risque par inhalation est-il un risque connu ?
Marine Martin : Non, ça ne l’est pas officiellement, mais on pouvait s’en douter. Quand on voit qu’entre 2013 et 2018 les estimations basses de rejet sont de 13 tonnes par an et les estimations maximales de 20,2 tonnes, on voit bien que ce sont des quantités astronomiques qui sont relâchées. Des articles de l’époque constataient que les routes aux alentours pouvaient être couvertes de poudre blanche par moment. Et ça n’était pas de la neige !
Il y avait aussi une plainte déposée par la CGT chez Sanofi par des salariés qui craignaient aussi pour leur santé, des associations de l’environnement, ainsi que la notre. Mais les familles n’ont pas été informées de dangers potentiels. C’est pour cela que j‘ai dirigé cette femme chez un avocat et que nous avons commencé cette procédure.
Comment savoir si cette famille n’est pas un cas parmi d’autres ?
Marine Martin : J’ai été auditionnée le 10 novembre dernier dans le cadre de cette procédure lancée en 2018. J’ai donné des éléments, mais de mon coté j’ai demandé aussi s’il y avait des moyens d’investiguer plus largement, car je suppose qu’il y a un cluster sur le bassin de Lacq.
Cela pourrait être détecté facilement, il suffirait d’avoir accès à la base de l’Assurance-maladie pour vérifier s’il y a plus d’enfants ici qui ont des prises en charge en orthophonie, en motricité, s’il y a des diagnostics de troubles autistiques ou encore de craniosténose…. Il y a des vérifications qui n’ont pas été faites et qui sont à faire. Nous attendons une réponse.
Ces rejets toxiques pourraient-ils concerner beaucoup de monde au final ?
Marine Martin : A mon sens, cela pourrait bien concerner des milliers de personnes, oui. Mourenx, la commune concernée, représente déjà 5 000 habitants. Mais il faudrait aussi déterminer dans quels sens les vents ont porté ces rejets pendant des années, ce qui pourrait concerner bien plus de monde. C’est aussi une question qui doit entrer dans le cadre de l’enquête.
Source : Doctissimo par Magali Régnier