Liberation
Selon une étude rendue publique, les enfants dont les pères ont pris du valproate trois mois avant leur conception ont plus de risques de présenter des troubles neurodéveloppementaux. Mais les personnes sous traitement restent invitées à en parler avec leur neurologue avant toute interruption.
L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) ne prend plus du tout à la légère les alertes impliquant le valproate, substance antiépileptique présente dans la Dépakine. Mise en examen en janvier 2020 pour «blessures et homicides involontaires par négligence» dans le scandale de la Dépakine faute d’avoir alerté les femmes enceintes des risques que la prise de ce médicament présentait pour leur fœtus, l’autorité fait cette fois preuve de célérité. Mardi soir, elle a relayé fissa les conclusions d’une étude portant cette fois sur les pères traités avec la molécule.
Trois ans après l’éclatement du scandale de la Dépakine, l’Agence européenne du médicament a voulu en savoir plus sur les risques induits du valproate. A sa demande, les laboratoires commercialisant la substance ont été priés de mener l’enquête. Une des études engagées visait à évaluer les risques malformatifs et neurodéveloppementaux des enfants dont le père était sous traitement avant leur conception. Sur la base de plusieurs registres scandinaves (Norvège, Suède et Danemark) exploités sur une longue période, les enfants dont le père était traité au valproate dans les trois mois qui précèdent la conception ont été comparés avec les enfants dont le père était traité avec d’autres antiépileptiques, le lamotrigine ou le lévétiracétam. Résultat ? Chez les enfants dont le père a été exposé au valproate, le risque de troubles neurodéveloppementaux, tel que l’autisme, semble plus important : il varie entre 5,6% et 6,3% contre 2,5% et 3,6% pour les enfants nés de père traité par lamotrigine ou lévétiracétam. Même bien moindre que lorsque l’exposition est maternelle (le risque de trouble est alors de l’ordre de 30% à 40%), il ne peut être ignoré.
Si la transparence est désormais de mise, l’ANSM marche sur des œufs. Car même s’ils confortent les soupçons formulés par certains médecins dès le début de l’affaire Dépakine, l’étude présente des limites qui fragilisent ses conclusions. Des travaux complémentaires sont en cours, précise l’agence. Or diffuser l’information présente en soi un autre risque, tout aussi délétère : déclencher une vague de panique chez les futurs pères, dès lors tentés d’interrompre leur traitement. «L’épilepsie est un trouble très difficile à équilibrer, insiste-t-on au sein de l’Association nationale de patients Epilepsie-France. Il est très dangereux d’arrêter un traitement de son propre chef, sans avis médical préalable. Même si l’inquiétude des pères sous valproate est légitime, ils ne doivent pas interrompre leur traitement avant d’avoir consulté leur neurologue. Ce dernier est seul à pouvoir substituer les molécules.»