Le Figaro
«Sanofi a a décidé de poursuivre la commercialisation» de la Dépakine, «sans communiquer immédiatement» les informations sur les risques de son médicament aux autorités sanitaires ou aux patients, conclut le jugement rendu le 17 mars par un tribunal de Madrid. BENOIT TESSIER / REUTERS
Un tribunal espagnol a jugé le groupe pharmaceutique français Sanofi responsable d’un défaut d’informations sur les risques de son médicament Dépakine et condamné son assureur à indemniser trois victimes, une première dans le pays.
«Sanofi a a décidé de poursuivre la commercialisation» de la Dépakine, «sans communiquer immédiatement» les informations sur les risques de son médicament aux autorités sanitaires ou aux patients, conclut le jugement rendu le 17 mars par un tribunal de Madrid et consulté par l’AFP. L’entreprise a privé «les médecins prescripteurs et les consommatrices de la possibilité de savoir que le valproate de sodium», principe actif de ce médicament, «causait des malformations congénitales (…), des problèmes de développement cognitif (…), un risque de souffrir de troubles du spectre de l’autisme», poursuit-il. Pour le tribunal, Sanofi a choisi «de faire primer ses bénéfices sur la sécurité sanitaire de ses patients et de leur progéniture».
Des dommages compris entre 730.000 et 864.000 euros
Son assureur, Allianz Global Corporate, a été condamné à indemniser trois victimes, nées entre 2002 et 2004 ayant développé des malformations et des troubles neuro-comportementaux et dont les mères avaient pris le médicament pendant leur grossesse. Les montants des dommages sont compris entre 730.000 et 864.000 euros, auxquels s’ajoutent les intérêts qui élèvent pour l’une des victimes l’indemnisation à un total de 1,3 million d’euros, selon son avocat.
Commercialisé depuis 1967 par Sanofi en France et à partir des années 1980 en Espagne, principalement sous le nom de Dépakine, le valproate de sodium, utilisé dans le traitement de l’épilepsie et des troubles bipolaires, augmente le risque de malformations physiques (absence de fermeture de la colonne vertébrale, anomalies cardiovasculaires…) et de troubles neuro-développementaux (retard de langage, troubles du spectre de l’autisme…) chez les enfants exposés dans le ventre de leur mère. Sanofi s’est défendu dans un communiqué, estimant avoir «démontré (sa) proactivité et (sa) transparence au sujet du valproate de sodium» et avoir «rempli son devoir d’information des professionnels de santé et des patients sur les risques potentiels liés à l’utilisation du valproate pendant la grossesse».
Affirmant que «la position du tribunal de Madrid n’est pas conforme à d’autres décisions de justice», il a expliqué étudier, avec son assureur, les recours possibles. Dans un communiqué, l’association espagnole des victimes du syndrome du valproate de sodium (Avisav), s’est réjoui de ce «premier jugement en Espagne».
De son côté, l’association française d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant (Apesac) a salué une «première en Europe» et dit «espérer que la justice française s’appuie sur cette nouvelle décision espagnole pour juger les dossiers déjà en cours depuis 2012». En France, la justice a estimé en janvier que Sanofi avait «commis une faute en manquant à son obligation de vigilance et à son obligation d’information» sur la Dépakine et jugé «recevable» une action de groupe contre le laboratoire.