Radio Scoop
Valérie Torrente a été soignée avec le médicament Dépakine depuis l’âge de 12 ans. Aujourd’hui, ses trois enfants sont tous porteurs de lourds handicaps et leur quotidien est rythmé par les soins.
Le tribunal de Paris a tranché la semaine dernière en défaveur de Sanofi dans l’affaire de la Dépakine. La justice a estimé mercredi que le laboratoire avait « commis une faute en manquant à son obligation de vigilance et à son obligation d’information » concernant les risques de son médicament Dépakine pour le fœtus en cas de prise pendant la grossesse.
Cet antiépileptique commercialisé depuis 1967 aurait engendré chez 16.000 à 30.000 bébés exposés in utero, d’après les autorités de santé, des malformations, des décès, des avortements et des troubles du développement neuronal.
Sanofi a fait appel de cette décision.
3 questions à… Valérie Torrente
À l’annonce de ces nouvelles avancées dans ce bras de fer judiciaire, Valérie Torrente, membre de l’association d’Aide aux Parents d’Enfants Souffrant du Syndrome de l’Anti-Convulsivant Apesac en Auvergne-Rhône-Alpes, s’est confiée sur son quotidien pour Radio SCOOP.
Radio SCOOP : pouvez-vous nous expliquer ce qu’est la Dépakine ?
Valérie Torrente : « c’est un médicament soit pour les gens bipolaires, soit pour les gens épileptiques, ce qui est mon cas. Je l’ai pris depuis mes 12 ans, et j’ai passé mes quatre grossesses sous antiépileptique. L’un de mes enfants est décédé avec une grosse malformation. Il s’avère qu’on aurait dû me prévenir plus ! On me disait de ne rien changer, de ne pas diminuer mon traitement, qu’il ne fallait pas faire de crise. On me disait de prendre une vitamine à côté, et qu’il n’y avait pas de raison de s’inquiéter. Résultat des courses : j’ai eu mes grossesses comme ça. Aux échographies, rien n’a pu être détecté, sauf pour le quatrième, et j’ai pu accoucher normalement ».
Radio SCOOP : et c’est donc seulement plus tard, que vous avez compris que quelque chose n’allait pas ?
Valérie Torrente : « avec le temps et le développement des enfants, ça s’est enchaîné. Au début, on a eu des doutes. Ensuite, quand ils sont arrivés en âge de marcher, de parler, d’entrer dans les apprentissages, d’aller à l’école, ça a été de grosses surprises ! Et ensuite, ça s’est aggravé. Notre quotidien est un enfer ! Il n’y a pas une semaine sans découvrir de nouvelles choses, sans avoir à faire des examens. Ils ont des troubles « multi-dys », des déficiences, des problèmes de pieds, de dos, de dents, de vue, de concentration, des problèmes neurologiques, des problèmes de thyroïde… »
Radio SCOOP : que pensez-vous de l’attitude de Sanofi, qui a été jugé responsable, mais qui fait appel ?
Valérie Torrente : « nous, on se retrouve avec ça : les structures, les écoles, les administratifs, et en plus, face à nous, on se retrouve face à des gens qui nous disent que ce n’est pas eux, mais que c’est nous ! Prenez-vous ça en pleine tête ! Parce qu’on a un enfant handicapé, ça vient de nous ? Non, ce n’est pas possible ! Oui, j’ai pris un traitement. Mais le sentiment de culpabilité, ce n’est pas eux qui l’ont, c’est moi. Et si on ne m’avait pas donné ce traitement, ou si on m’avait informée correctement, peut-être que je n’aurais pas eu d’enfant, que j’aurais demandé à être traitée autrement pendant un certain temps, que j’aurais demandé une fécondation in vitro, j’aurais adopté… Mais je ne serais pas dans un quotidien pareil ».