La Voix du Nord
Soucieuse de tourner la page d’un long combat, la Marcquoise Aouatef Souissi avait accepté, début octobre, l’indemnisation proposée : 60 000 € au total, après le décès de son bébé de deux mois, victime du valproate de sodium (Dépakine), comme l’a reconnu un collège d’experts. Cinq mois plus tard, l’affaire n’est toujours pas réglée.
« En octobre, j’ai accepté cette offre car j’étais trop fatiguée pour continuer à me battre, glisse Aouatef Souissi, 47 ans. Et je dois malgré tout continuer à le faire, on m’empêche de tourner la page… » Depuis cinq ans, avec ses avocats, elle a obtenu des victoires : la reconnaissance que le Dépakote qu’elle prenait enceinte était responsable à 80 % des handicaps de son fils Raphaël, à savoir un très grave spina bifida ; la responsabilité des médecins de la quadragénaire ; et une indemnisation de 30 000 € pour elle et de 30 000 € pour son ancien compagnon… « Une somme dérisoire » au regard de la mort d’un enfant, répète-t-elle, mais une reconnaissance de préjudice.
Considérées comme « victimes indirectes », Aouatef et le père de Raphaël ont pour l’heure touché 7 000 € chacun.
Ces victoires ont été obtenues à la force du poignet. Et cinq mois après, tout est loin d’être réglé. Considérées comme « victimes indirectes », Aouatef et le père de Raphaël ont pour l’heure touché 7 000 € chacun, une somme d’abord versée sur un compte en amont, que leur cabinet d’avocats leur vire au bout de quinze jours. « Ces retards de l’ONIAM (Office national d’indemnisation des accidents médicaux) sont malheureusement habituels et devraient se résoudre », indique Charles Joseph-Oudin, « l’avocat du Médiator » et le conseil de Mme Souissi.
Les retards de l’Oniam
Marine Martin, présidente de l’APESAC (Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant) déplore « une inertie des pouvoirs publics » et une lenteur à indemniser. Mais l’ONIAM est aussi un mieux, qu’elle s’efforce encore d’améliorer. « J’ai fait fusionner le collège des juristes et des médecins depuis cet été et augmenter les indemnisations », indique le porte-voix des victimes de la Dépakine. Du fait de la refonte estivale, le traitement des dossiers a pris du retard. Ceux du Médiator ont été traités avant ceux de la Dépakine. Et les moyens administratifs de l’ONIAM demeurent insuffisants.
Une aberration administrative
Dans son cas personnel, « simple à traiter » selon Marine Martin, Aouatef Souissi a été profondément heurtée par une demande de l’ONIAM. Celle-ci réclame, pour Raphaël, une « dévolution successorale (définition des bénéficiaires de la succession), qui est un acte notarié, payant, et qui n’est pas en notre possession », détaille Charles Joseph-Oudin. Forcément, à deux mois, le bébé ne pouvait avoir constitué de patrimoine et ce document n’aurait eu aucun sens pour sa maman. « La preuve de la filiation est dans le livret de famille », soupire-t-elle.
L’espoir est que l’ONIAM renonce à ce document, d’autant qu’un formulaire complet avait été rempli par la victime marcquoise quand elle a accepté l’indemnisation. Après la blessure de la perte, Aouatef Souissi aspire à un peu plus de sérénité. On n’imagine pas qu’une aberration administrative s’y oppose.