L’article « Sanofi: des traces de Dépakine retrouvées dans le sang d’ouvriers », par Médiapart (Jade LINDGAARD), est pertinent car il met en évidence un scandale sanitaire camouflé par « un fleuron de notre industrie française ». Une petite approche scientifique complémentaire permet de prolonger ce travail d’investigation qui ne fait que commencer …
L’article « Sanofi: des traces de Dépakine retrouvées dans le sang d’ouvriers », par Médiapart (Jade LINDGAARD), est pertinent car il met en évidence que le Groupe SANOFI contamine son personnel en mettant en danger leur propre santé, alors qu’il est censé fabriquer des médicaments pour améliorer la santé de patients. Il distribue 5 milliards d’euros de dividendes pour cette année, et il se contente d’un simple rouleau de rubalise pour délimiter une zone contaminée par rapport à une zone propre … pratique douteuse pour un industriel qui se vante d’atteindre l’excellence opérationnelle !
En tant que scientifique, j’aimerais apporter un certain nombre de constats par rapport à cette affaire :
– Constat n°1 : une seconde contamination vient également d’une autre source située à l’extérieur du bâtiment de production, à savoir la cheminée du rejet de la tour d’atomisation qui fabrique le Valproate de sodium. En effet, l’usine peut rejeter jusqu’à 200 g/h suivant le nouvel arrêté préfectoral du 31 août 2018, avec un maxi de 360 g/h. Il faut savoir que la découverte de ces émissions de Valproate de sodium a eu lieu de façon fortuite lors d’un contrôle des eaux pluviales du site en 2013.
– Constat n°2 : la date des premières analyses au mois de novembre 2018 coïncide parfaitement avec le moment où SANOFI a réussi, après une longue et fastidieuse période de réglage, à respecter enfin ce seuil de 200 g/h, sachant qu’il partait de 700 g/h en mai 2018 et même de 2 500 g/h en février 2017 (soit un facteur de 10). Hasard de date … ou planification de circonstance.
– Constat n°3 : cette pollution « autorisée » par les pouvoirs publics, et inacceptable à mon avis (tolérance ZERO), contamine non seulement le personnel de SANOFI, mais aussi celui des entreprises mitoyennes situées sur cette plate-forme Chem’Pole 64 de Mourenx. Il serait intéressant de réaliser les mêmes tests médicaux auprès d’un échantillon de personnes travaillant à proximité directe du site de SANOFI.
– Constat n°4 : l’usine a rejeté du Valproate de sodium (toujours au niveau de la cheminée de sa tour d’atomisation) avec des débits pouvant atteindre des valeurs astronomiques de l’ordre de 2 500 g/h à 3 000 g/h (entre avril 2016 et mars 2017), conduisant à des flux annuels compris entre 13 tonnes et 20 tonnes de principe actif à l’atmosphère. Substance toxique* se dispersant, suivant la direction et la vitesse du vent, pour mettre en danger le personnel de la plate-forme et les riverains les plus proches (450 m). Une Evaluation des Risques Sanitaires (ERS) conduit à des résultats sans appel à la charge de SANOFI, avec un Quotient de Danger (QD) nettement supérieur à 1, permettant de conclure à « un état des milieux incompatible avec les usages » … donc à un risque sanitaire avéré.
* danger majeur : toxicité pour la reproduction, catégorie 1A – H360 (peut nuire à la fertilité et au foetus)
– Constat n°5 : un dépôt de plainte (par un tiers) est voué à l’échec vu les excellents rapports tissés entre la gouvernance de SANOFI et le plus haut pouvoir de l’Etat … mais une procédure en citation directe* permettrait (enfin) d’asseoir le(s) responsable(s) sur les bancs d’un tribunal et d’obtenir un jugement pour la mise en danger de la vie d’autrui, première pierre posée pour une longue procédure à venir …
* procédure de la dernière chance, lancée par les victimes de l’amiante en raison du refus de la justice de donner suite aux nombreuses plaintes déposées (non-lieu)
Le débat citoyen et participatif sur ce scandale sanitaire (parmi tant d’autres) ne fait que commencer …