Sud Ouest
Après l’établissement d’un lien entre la prise du médicament et les troubles du fils de Nathalie Orti, la famille poursuit le combat
Pendant près de dix ans, Nathalie Orti n’a pas su ce qu’avait son fils, Esteban, né en 2006. Dès l’âge d’un an, les mauvaises nouvelles sur la santé du petit garçon se sont enchaînées : malformations aux mains, aux pieds, des problèmes d’oto-rhino-laryngologie (ORL), de vue, une scoliose et des retards d’apprentissage. Puis, au hasard d’un article de journal traitant de la Dépakine (traitement qui lutte contre l’épilepsie et les troubles bipolaires), envoyé par l’un de ses proches, en 2015, elle comprend tout.
« Je prenais de la Dépakine pour mon épilepsie. Quand je suis tombée enceinte, j’ai regardé la notice et il n’y avait rien d’autre d’inscrit que “consultez votre médecin”, ce que j’ai fait. Il m’a dit qu’il n’y avait pas de risque, rien de plus », témoigne la mère de famille, habitante de Misson.
« Ils savent depuis le début »
Après la révélation de la lanceuse d’alerte, Marine Martin, en 2011, la famille Orti prend donc son destin en main, en 2017, et s’engage dans un combat judiciaire contre le laboratoire Sanofi, fabriquant du médicament, pour faire reconnaître l’origine des problèmes d’Esteban, aujourd’hui âgé de 13 ans. Les parents intentent une action au civil et déposent un dossier à l’Oniam (Office national d’indemnisation des accidents médicaux). Pour ce qui est du civil, le rapport d’expertise de juillet 2018 établit bien un lien entre la prise de la Dépakine pendant la grossesse de Nathalie et les problèmes de son fils. De son côté, l’Oniam indique que « Sanofi est responsable à deux tiers et l’État à un tiers. Maintenant que ces liens sont établis, on a décidé de déposer plainte contre X pour continuer de mettre la pression sur Sanofi », témoigne celle qui est aussi membre du bureau de l’Apesac (Association des parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant) et déléguée Aquitaine.
Le sentiment de culpabilité de Nathalie Orti a laissé place à la détermination : « La date à partir de laquelle les données scientifiques permettaient de connaître la toxicité de ce médicament pour le fœtus est 1982 pour les malformations congénitales et 1984 pour les troubles du développement (autisme, notamment). Ça veut dire qu’ils savent depuis le début qu’il y a des risques ! C’est impossible de ne rien faire alors que Sanofi s’est rempli les poches au prix de vies détruites. »
« Le procès Médiator : un rêve »
Pourtant, partir à l’assaut de la justice et constituer un dossier n’est pas donné à tout le monde. « Les démarches sont longues. Il faut pouvoir justifier de la prise de la Dépakine et de tout le temps que l’on passe à s’occuper de nos enfants. Mais même là, tout n’est pas gagné. Pour notre cas, alors que l’expertise du civil me donne six heures d’aide quotidienne d’une tierce personne, l’Oniam ne m’en accorde que deux ! Pourtant, il faut tenir. Quand je vois le procès du Médiator, c’est un rêve. Moi, j’ai besoin que ça aille jusqu’au bout », confie Nathalie Orti, reconnaissante envers son mari, « car beaucoup de familles se sont déchirées après le diagnostic de la maladie ».
Le combat de Marine Martin pour que Sanofi participe au fonds d’indemnisation risque aussi d’être long. « Aujourd’hui, seul l’État finance ce fonds. Sanofi, lui, n’a pas changé de discours et continue de dire que dès 2003-2004, il avait prévenu les autorités. Mais, pour moi, parler de 1 % de risque, ce n’est pas prévenir de la dangerosité d’un médicament », affirme Nathalie Orti. Heureusement, Marine Martin et l’Apesac ont enregistré quelques victoires, comme le remplacement du collège d’experts de l’Oniam, « qui refusaient parfois le diagnostic posé par des médecins », relate Nathalie Orti, ou encore la présence du pictogramme indiquant le message suivant : « Dépakine + grossesse = interdit ».
Source : Sud Ouest, Julie L’Hostis