Sciences et Avenir
Après la Dépakine, tous les médicaments contenant du valproate sont désormais interdits chez les femmes bipolaires pendant la grossesse.
La prise de valproate pendant la grossesse va devenir de plus en plus rare pour éviter le risque de malformations du foetus : les médicaments qui contiennent cette molécule à l’origine du scandale de la Dépakine sont désormais interdits aux femmes bipolaires enceintes.
Il s’agit de la Dépakote et la Dépamide, destinés à traiter les troubles bipolaires. Outre leur interdiction aux femmes enceintes, ils sont également contre-indiqués chez les patientes bipolaires en âge de procréer et n’ayant pas une contraception efficace, a annoncé l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), jeudi 6 juillet 2017 lors d’une conférence de presse. Ces mesures entrent en vigueur vendredi 7 juillet.
SCANDALE. La Dépakine (laboratoire Sanofi Aventis) et ses dérivés ont provoqué depuis 1967 des malformations congénitales graves chez 2.150 à 4.100 enfants dont les mères avaient pris ces traitements lorsqu’elles étaient
enceintes, selon une évaluation de l’ANSM et de l’Assurance maladie publiée fin avril 2017. En prenant en compte les enfants souffrant de retard de développement (troubles autistiques, psychomoteurs, etc.), le chiffre pourrait monter à 14.000 victimes, selon l’estimation de l’épidémiologiste Catherine Hill.
« On y est arrivé ! », s’est félicitée dans un tweet l’association Apesac (Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant).
On y est arrivé #depakote #depamide=INTERDIT #contreindiqué chez #femmes #enceintes arrêtons de rendre nos #enfants #autiste merci #sanofi
Cette association de victimes a saisi le 12 mai le tribunal de grande instance de Paris pour une action de groupe visant Sanofi Aventis, une première dans le domaine de la santé publique. Cette action de groupe s’ajoute à l’enquête pénale de deux juges d’instruction, à des procédures civiles individuelles et aux futures demandes d’indemnisation devant l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam).
« Dans le cas des troubles bipolaires, il y a toujours une alternative de traitement au valproate pendant la grossesse, alors que dans l’épilepsie, il y a des cas où l’on ne peut pas s’en passer »
Sanofi Aventis a réagi dans un communiqué en notant que l’ANSM avait « décidé unilatéralement » de prendre ces mesures de contre-indication, sans attendre de connaître les résultats de l’évaluation sur le valproate en cours au niveau européen. De son côté, le directeur général de l’ANSM, Dominique Martin, a souligné que « le valproate est l’un des médicaments les plus tératogènes (susceptibles de provoquer des malformations chez le foetus, ndlr) qu’on connaisse« . C’est pourquoi il veut réduire au minimum son usage chez les femmes en âge de procréer dans les deux indications : épilepsie et troubles bipolaires. Il vise même son
« éradication » dans le cas des troubles bipolaires. « Dans le cas des troubles bipolaires, il y a toujours une alternative de traitement au valproate pendant la grossesse, alors que dans l’épilepsie, il y a des cas où l’on ne peut pas s’en passer« , a-t-il expliqué à l’AFP.
PICTOGRAMME. La mention « Dépakote » ou « Dépamide + grossesse = interdit » et un pictogramme représentant une femme enceinte entourée par un rond rouge barré figureront désormais sur les boîtes de ces médicaments.
Chez les patientes bipolaires en âge de procréer, un test de grossesse, sur prélèvement sanguin en laboratoire, sera dorénavant obligatoire avant de commencer le traitement initié par un psychiatre. Le médecin devra s’assurer que la patiente dispose d’une « contraception efficace » (stérilet ou autre). La vérification du fait que la femme n’est pas enceinte devra ensuite se faire régulièrement en cours de traitement. Chez ces femmes, Dépakote et Dépamide ne pourront de toute façon être prescrits qu’en dernier recours, en cas d’inefficacité des autres traitements ou si les patientes ne les supportent pas.
L’ANSM invite toutes les femmes bipolaires en âge de procréer traitées par valproate à « se rapprocher immédiatement de leur médecin afin d’étudier avec lui le report vers la meilleure option thérapeutique »ou pour mettre en place les précautions adéquates si ce traitement est maintenu. Celles qui seraient déjà enceintes doivent « consulter en urgence » leur médecin pour interrompre ce traitement et le remplacer par une psychothérapie voire un autre médicament.