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Parents d’enfants « Dépakine », un combat à vie

Ouest france 

Emmanuelle et Franck Latreille, 46 et 45 ans, vivent à Orsay (Essonne). Ils sont les parents de jumeaux âgés de sept ans et demi, Azenor et Erwann, atteints de troubles et malformations. À leur naissance, le 24 novembre 2008, leur vie a basculé.

 

« Je prends de la Dépakine depuis vingt-trois ans, raconte Emmanuelle Latreille. Je prends ce médicament contre les épilepsies car tous les autres traitements que j’ai testés ont échoué. Durant ma grossesse, j’ai continué à en prendre.

 

J’étais très bien suivie puisque cette grossesse a eu lieu dans le cadre d’une procréation médicalement assistée (PMA). J’avais des contacts très réguliers avec un neurologue. Je voyais aussi mon gynécologue, le médecin généraliste… On a compté : durant cette période, on a vu une vingtaine de médecins.

 

Or, aucun n’a jamais évoqué le moindre risque de troubles neurologiques pour les bébés, lié à la Dépakine. On ne nous a rien dit non plus de toutes les malformations possibles. Juste alertés qu’il y avait un risque de spina-bifida (développement incomplet de la colonne vertébrale) et de fente labio-palatine (le bec-de-lièvre). J’ai pris un traitement pour éviter cela aussi.

 

J’ai fait deux crises d’épilepsie pendant que j’étais enceinte. Un médecin m’a alors conseillé de ne surtout pas arrêter la Dépakine. Je leur avais pourtant dit : « Si vous détectez un problème avec le fœtus, je veux avorter. » Non seulement, on ne nous a pas informés des risques de syndrome autistique par exemple, poursuit Franck Latreille, mais ces médecins n’ont cessé de nous répéter que tout allait bien.

 

Erwann est né avec deux pouces à la main droite. Il a été opéré à l’âge d’un an pour lui ôter ce doigt de trop. Mais il a toujours du mal à maîtriser la fonction pince, à tenir un crayon par exemple. Depuis un an, il a décidé de se servir de sa main gauche.

 

Il souffre aussi de troubles neurologiques du spectre de l’autisme (TSA). Il a de grosses difficultés de comportement, notamment en classe. Il va passer en CE1 mais a besoin de beaucoup de soutien. Cette année, il pourra continuer l’école car on a pu lui trouver une assistante de vie scolaire privée.

 

Entre le psychomotricien, l’orthophoniste, la psycho-coordinatrice…, la prise en charge individuelle d’Erwann s’élève à plus de vingt-cinq heures par semaine. À cela s’ajoute la garde d’enfants le soir – une dizaine d’heures par semaine – car il n’est pas autonome. Pour tout cet accompagnement, on bénéficie d’une aide de la Caf. Mais elle ne couvre qu’un tiers des dépenses.

 

Azenor, depuis qu’elle est toute petite, souffre, quant à elle, d’un déficit de tonus musculaire. Elle a besoin d’exercices quotidiens avec un spécialiste. Sans cela, elle serait comme un pantin. En revanche, elle suit, jusqu’à présent, une scolarité ordinaire. Elle va rentrer en CE2.

 

Elle met toute son énergie à apprendre. Elle est vraiment motivée, mais elle est aussi vite fatiguée. On a bien essayé de lui faire bénéficier d’un Sessad (service d’éducation spéciale et de soins à domicile) via la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Mais l’attente est de deux ans. On ne peut pas rester sans rien faire pendant tout ce temps.

 

« Une colère froide »

 

Pour s’occuper de nos enfants, Emmanuelle a dû stopper son métier de bibliothécaire. Moi, je suis directeur technique dans une filiale d’une société internationale. J’organise mes jours de repos pour être le plus présent possible.

 

S’occuper d’eux, c’est un deuxième métier, assure Emmanuelle. Il a fallu s’informer par soi-même. Actuellement, on suit une formation pour les parents et aidants d’enfants autistes. Cela fait du bien. Par des mises en situation, on découvre ce qu’ils vivent. On apprend nos droits, à monter un dossier pour la MDPH.

 

On a aussi déménagé pour se rapprocher de nos parents qui nous aident à les garder. Cela nous permet de respirer un peu. Avant, on habitait à une heure de chez eux. Mais quand on a découvert ce qui nous attendait, on s’est dit qu’on n’y arriverait pas tout seuls.

 

On sait que ce combat va durer toute notre vie, annonce, lucide, Franck. On doit les préparer à devenir de jeunes adultes mais aussi assurer leur avenir quand on ne sera plus là…

 

C’est aussi pour cela qu’on a engagé deux procédures. Une au tribunal civil, à Bobigny, avec sept autres familles. Une expertise médicale aura lieu avant la fin de l’année. Une, au pénal, à Paris, notamment pour tromperie aggravée et administration de substance nuisible. Si l’on obtient des indemnités, elles serviront à financer l’avenir d’Erwann et Azenor.

 

On aime nos enfants et aujourd’hui, on ressent une colère froide. Lorsqu’on ne savait pas de quoi souffrait Erwann, raconte Emmanuelle, j’étais allée voir un psychiatre, un de plus ! Il avait à peine regardé notre fils, pris 70 € pour la consultation et il m’avait conseillé de me rendre au service mère-enfant à l’hôpital. J’avais l’impression qu’il me culpabilisait.

 

Quand on a appris par d’autres médecins que tout cela était lié à la Dépakine, j’ai d’abord été soulagée. J’ai enfin pu dormir. Et puis, j’ai eu un contrecoup. J’ai réalisé que les handicaps de nos enfants sont à vie. »

 

Source : Ouest France 

 

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