Grazia
Entre 2007 et 2014, près de 14.322 femmes enceintes ont été exposées à la Dépakine, antiépileptique hautement toxique pour les foetus. Marine Martin, l’une d’entre elle et responsable de l’association de défense des familles touchées, témoigne pour Grazia.fr.
« Je suis épileptique depuis mes 6 ans. A cet âge, on me prescrit alors de la Dépakine pour stabiliser ma maladie, avec succès. J’ai pris ce médicament pendant des années, sans aucun souci. Quand je suis tombée enceinte, j’ai naturellement prévenu mon neurologue, mon généraliste et mon gynécologue. Les trois ont été unanimes : « ne vous inquiétez pas madame« . Tout au plus me conseillent-ils de prendre de la vitamine B9 pour écarter un risque mineur d’effet secondaire.
1999, ma fille Salomée naît. Elle ne me ressemble pas, elle a le visage un peu allongé, comme une asiatique. Je suis étonnée car nous n’avons aucune origine asiatique dans la famille. Mais Salomée grandissant et se développant sans souci, je ne m’inquiète pas davantage.
Des troubles moteurs et de l’attention
Ayant toujours voulu une grande famille, je tombe très vite enceinte de mon deuxième enfant. Nathan naît en 2002, à l’hôpital de Montpellier, avec une malformation des membres. Après, rien ne s’est passé comme prévu. A l’âge de marcher Nathan ne marchait pas, à l’âge de parler non plus. Les médecins diagnostiquent des troubles du langage et du comportement à Nathan. Il rentre en maternelle, mais avec l’aide d’une Auxiliaire de vie scolaire (AVS).
Je m’arrête alors de travailler, car garder Nathan demande un savoir faire particulier et une grande énergie. Aujourd’hui encore, ni mon fils ni ma fille ne peuvent écrire correctement car ils ont des troubles moteurs. Mon fils présente des grands troubles de l’attention, il doit se reposer régulièrement. Les deux sont handicapés, mais mon fils à un niveau nettement plus invalidant que sa soeur.
« Médicament, dangereux, grossesse »
Je me demandais quelle était l’origine de la maladie de Nathan, car j’hésitais à faire un troisième enfant. Etait-ce génétique ? Mon troisième enfant risquerait-il lui aussi d’être malade ? C’est tout simplement en faisant une recherche Google que j’ai trouvé. En 2009, je tape « médicament, dangereux, grossesse » et là, la révélation. Je suis tombée sur le site du centre de recherche des agents tératogènes (CRAT) qui disait que le médicament le plus dangereux pour la grossesse était le Roaccutane (un anti-acnéique), suivi de la Dépakine.
On ne m’avait rien dit, on m’avait jurée de ne pas m’inquiéter ! Pourquoi m’avait-on menti ? Mon monde s’est écroulé. Mais je ne suis pas restée abattue, j’ai fait en sorte dans un premier temps que la dépakine soit reconnue comme l’origine des troubles de mon fils en 2011. Pour ce faire, nous avons du le tester pour l’intégralité des maladies génétiques.
Une association pour aider les familles
Ensuite, j’ai créé l’association d‘Aide aux Parents d’Enfants souffrant du Syndrome de l’Anti-Convulsant (APESAC) afin d’informer les familles. Personne ne le faisait ! Avec l’association, d’autres parents de victimes et l’aide de nos homologues anglais, nous avons obtenu la réévaluation du bénéfice risque du médicament au niveau européen en 2013. Les patientes doivent savoir que sous Dépakine, elles risquent d’avoir un enfant handicapé à 30 ou 40 %.
J’ai également lancé une procédure contre le laboratoire Sanofi et les trois médecins qui m’ont suivie durant ma grossesse. Elle est en cours. C’est insupportable ! Les risques de malformation du foetus sont connus depuis le début des années 80. Et ce n’est qu’en 2010 que les risques liés aux grossesses sont apparus dans la notice pour la Dépakine, en 2015 pour les génériques !
C’est bien que le ministère veuille mettre en place un fond d’indemnisation pour les familles concernées. Mes enfants auront peut-être une vie moins misérable. Mais ce n’est pas au contribuable de payer, c’est à Sanofi, qui savait et n’a rien dit. De mon côté, j’ai changé de traitement contre l’épilepsie. Et je continuerai à me battre toute ma vie s’il le faut pour que la responsabilité de Sanofi soit établie. »
——————–
Lire aussi :
La dépakine, nouveau scandale sanitaire
Le scandale du traitement anti-épileptique, la dépakine
Source: Grazia