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Derrière la reconnaissance des « enfants Dépakine », les années de combat des victimes

Marianne 

Les révélations du Canard Enchaîné sur le nombre de femmes ayant consommé au cours de leur grossesse de la Dépakine, un anti-épileptique dangereux pour les fœtus exposés, braquent de nouveau les projecteurs sur un scandale sanitaire qui dure depuis des années. Et qui n’aurait jamais explosé sans l’opiniâtreté des familles victimes de ce médicament.

 Dépakine. Certains Français ont entendu pour la première fois le nom de cet anti-épileptique ce mercredi 10 août. Le médicament est au cœur d’un énième scandale sanitaire : au moins 10.000 femmes enceintes ont avalé ce comprimé entre 2007 et 2014 et exposé, bien malgré elles, leurs bébés à d’importants risques de malformations, alors même que ces dangers étaient connus, selon une étude révélée la veille par Le Canard enchaîné. La molécule peut provoquer 10% de malformations et de 30 à 40% de troubles du développement.

 

Malgré le danger, 10.000 femmes enceintes ont pris de la Dépakine depuis 2007

 

L’affaire et ses dramatiques conséquences ne datent pourtant pas d’aujourd’hui. Voilà plus de sept ans que Marine Martin se bat pour connaître l’ampleur des dégâts causés par la Dépakine. Sept ans qu’elle se démène pour que les patientes soient informées. Epileptique depuis l’enfance, cette mère de deux enfants a découvert par hasard que la Dépakine était tératogène : son fils Nathan, né en 2002, souffre de retards psychomoteurs et aucun médecin n’arrivait à poser un diagnostique. Un jour de 2009, Marine Martin pianote sur son clavier d’ordinateur.  Elle tape trois mots : médicament, dangereux, grossesse. Très vite, elle voit apparaître le nom de la substance active de son médicament, le valproate, dans la liste des molécules dangereuses pour les fœtus exposés in utero. « J’avais un tel sentiment de culpabilité… J’avais l’impression de ne pas être mère correctement », confie Marine Martin, persuadée d’avoir « empoisonné » ses enfants. 

 « 30.000 enfants pourraient en avoir été victimes »

 Des premières alertes dès les années 80

 Passé le choc, elle décide de faire ce que ni les autorités sanitaires, ni le laboratoire fabricant, ni les médecins, n’ont fait jusque là : avertir les femmes épileptiques des risques que comporte la Dépakine, un médicament commercialisé depuis 1967. Des risques loin d’être récents : de premières alertes quant à la toxicité de l’anti-épileptique pour le fœtus sont émises dès les années 1980 – soit 20 ans avant les naissances des enfants de Marine ! 

 

Il faudra pourtant attendre 2010 pour que ceux-ci soient indiqués dans la notice du médicament. Avant cette date, le mode d’emploi se bornait à renvoyer les patientes vers leur médecin en cas de désir d’enfant ou de grossesse. L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), à qui une mission a été confiée en 2015, a confirmé le « manque de réactivité des autorités sanitaires et du principal titulaire de l’autorisation de mise sur le marché (Sanofi, nldr) ». « Les alertes ont été, au plan français et européen, motivées davantage par des signaux exogènes, notamment médiatiques, que par une prise en compte des données de pharmacovigilance et des publications scientifiques », estime encore l’IGAS.

 

« Il faut que je fasse du bruit »

 

De fait, sans l’opiniâtreté des familles de victimes, fédérées au sein de l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant (APESAC) fondée et présidée par Marine Martin, le scandale n’aurait sans doute pas été rendu public. En véritable lanceuse d’alerte, inspirée par Irène Frachon, la pneumologue qui avait dénoncé le scandale 

 

du Mediator, Marine Martin s’est activée pendant des mois pour faire éclater la vérité. « Il faut que je fasse du bruit », s’est-elle dit dès 2009. 

 

Son histoire et celle des « enfants Dépakine » peine pourtant au départ à accrocher les médias. Jusqu’au 20 mai 2015. Ce jour-là, Le Figaro révèle que la famille de Marine a déposé une plainte au pénal contre le laboratoire : « une famille attaque Sanofi pour non-signalement d’effets indésirables graves pour les femmes enceintes ». Comme dans d’autres affaires sanitaires, la machine médiatique se met alors en branle. Au printemps 2015, la Dépakine fait la une. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, demande à l’IGAS de plancher sur le sujet. Des études sont commandées à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et à la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) afin de cerner l’ampleur de la catastrophe sanitaire : combien de femmes enceintes ont consommé le médicament depuis sa commercialisation, en 1967, jusqu’à aujourd’hui, combien d’enfants ont été touchés, etc… 

 

« Je ne suis pas du tout étonnée par ces chiffres »

 

« Je savais que cette étude était en cours, elle devait tomber à la rentrée », indique Marine Martin, en vacances à l’autre bout de la planète au moment de la publication de l’article du Canard Enchaîné« Je ne suis pas du tout étonnée par ces chiffres. Au total, 30.000 enfants pourraient avoir été victimes de la Dépakine. Cela fait longtemps que je le dis », poursuit-elle, rappelant que tout ceci est l’aboutissement d’un long et patient travail des familles pour connaître la vérité sur l’anti-épileptique qui a rendu malade leurs enfants.

 

La partie est néanmoins loin d’être terminée : de nombreuses procédures judiciaires ont été initiées par des victimes à l’encontre de Sanofi. Un fonds d’indemnisation abondé par l’Etat devrait être également mis sur pied. Reste que pour Marine Martin, c’est avant tout au laboratoire d’assumer. Prochain round : le 24 août, date à laquelle la Direction générale de la Santé doit présenter aux victimes les résultats des travaux éventés par le Canard.

 

Source : Marianne 

 

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