Le Figaro
Les plaignants, dont les enfants souffrent des effets secondaires de cet anti-épileptique, attaquent Sanofi au TGI de Bobigny. Le laboratoire compte mettre en cause l’Agence du médicament et mise sur la prescription des faits.
Comment, pour une victime, ne pas s’engluer dans plusieurs années d’expertise judiciaire? Ce mercredi matin à 9 h 30, sept familles dont les enfants souffrent des effets secondaires de la Dépakine, un anti-épileptique, attaquent en justice le laboratoire Sanofi au tribunal de grande instance de Bobigny. Elles ont choisi le mode du référé dans une procédure unique, puisque, en France, les actions collectives n’existent pas en droit de la santé. Un choix original. La justice devra donc décider si elle nomme un seul et même expert pour ces sept familles. Avantage pour ces dernières: la réduction des coûts, sachant qu’une expertise coûte des dizaines de milliers d’euros.
S’il est nommé, l’expert devra déterminer à quelle date les patientes auraient dû être alertées des effets indésirables (ici, des cas de troubles neurodéveloppementaux comme les retards de développement ou l’autisme) pour qu’elles puissent, par la suite, engager la responsabilité du laboratoire. Pour le dire autrement, l’expert devra dire si, au moment de la conception, les mères ont bien été informées de l’état de la science. Et au lieu de répondre à cette question aussi souvent que des familles le demanderont à la justice, il s’agit ici de trancher une fois pour toutes.
Car en matière d’expertise, il y a autant de réponses différentes que de demandes d’expertises. Des exemples? Pour l’Inspection des affaires sociales (Igas), c’est 2000 ou 2004. À cette date, «l’accumulation des signaux justifiait des mesures d’information à l’attention des prescripteurs et des patients», ont écrit les inspecteurs. Dans une procédure judiciaire, un expert a choisi, lui, 1994, puis pour d’autres dossiers, un autre évoque 2006.
Cette façon de procéder des plaignants, avec cette idée du «tous pour un», n’est pas nouvelle en matière de santé publique. Elle avait été utilisée avec le Distilbène, ce médicament donné aux femmes pour prévenir les accouchements prématurés. Or cette molécule provoquait des malformations génitales chez les enfants exposés in utero et augmentait le risque de cancer ainsi que la stérilité. À l’époque, plusieurs tribunaux avaient décidé de mutualiser les expertises.
Sanofi entend bien se défendre. Et l’axe choisi par le laboratoire met en cause l’Agence du médicament (ANSM). C’est ce qui ressort, par exemple, des conclusions du laboratoire dans une procédure en cours. Selon Sanofi, l’Inspection générale des affaires sociales montre «que Sanofi-Aventis France qui ne pouvait agir sans l’accord de l’Autorité de santé a, conformément à ses obligations de pharmacovigilance, sollicité à diverses reprises des modifications des documents d’information auprès de l’autorité de santé qui n’ont pas été prises en compte par cette dernière. C’est au regard de ces éléments qu’il est indiqué dans le rapport (de l’Igas, NDLR) que les autorités sanitaires françaises ont manqué de réactivité». Et, plus loin d’ajouter: «Au regard de ces éléments tirés du rapport, il apparaît que la responsabilité de l’autorité de santé peut être engagée.»
Autre angle d’attaque pour Sanofi, la prescription des faits. L’article 1386-16 du Code civil est très clair: «Sauf faute du producteur, la responsabilité de celui-ci est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit même qui a causé le dommage à moins que, durant cette période, la victime n’ait engagé une action en justice.»
Contacté par Le Figaro, l’avocat de Sanofi n’a pas répondu à nos appels.
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Source : Le Figaro