Le Progrés
Épileptique, Elina Delatour, 33 ans, prend de la Dépakine depuis l’âge de 15 ans. Un médicament accusé de provoquer des malformations du fœtus. Ses trois enfants, âgés de 6 à 10 ans, ont été touchés différemment. Rencontre avec cette haut Jurassienne qui n’exclut pas de porter l’affaire en justice.
Épileptique depuis l’âge de 15 ans, Elina Delatour vit à Ravilloles (502 habitants). Cuisinière depuis un an dans un centre spécialisé de Saint-Lupicin, elle a toujours été sous Dépakine. Ou presque. Et après trois grossesses, c’est en voyant une émission télévisée consacrée aux victimes de ce médicament anticonvulsivant, qu’elle a décidé d’adhérer à l’Apesac, l’Association d’aide aux victimes de la Dépakine.
« Je suis en droit de me poser des questions », explique la jeune mère de famille. « On ne m’a jamais informée des dangers, alors que j’étais en âge d’être maman et que je ne peux me passer de ce médicament. J’ai confiance en mon médecin généraliste : s’il avait su, il ne m’aurait pas fait prendre des risques ! »
Des problèmes de santé pour ses enfants
En 2001, Elina tente un arrêt de la Dépakine, mais est aussitôt sujette à des crises violentes. Son neurologue lui baisse son dosage. À 22 ans, alors qu’elle prend la dose minimale de 500 mg/jour, elle tombe enceinte. On lui prescrira juste une échographie en 3D. Jade naîtra en 2006 avec une infection urinaire. « C’était une enfant malade tout le temps, avec des pneumopathies à répétition, deux opérations des amygdales… C’est mon encyclopédie médicale. Mais en grandissant, elle va mieux. »
Trois ans plus tard, Elina souhaite une nouvelle grossesse. Elle est mise sous acide folique pour la protéger d’une éventuelle malformation. « Mais je continue à prendre 1 000 mg de Dépakine au quotidien et j’allaiterai ma fille durant 4 mois. »
Lucie naît avec les pieds déformés. « C’est une enfant chétive, qui porte des semelles orthopédiques et des lunettes de vue. Elle pleure tout le temps. À 7 ans, c’est un bébé. Elle est immature et rejetée par ses camarades, qui se moquent d’elle. Une pédiatre vient d’ailleurs de constater des troubles de l’apprentissage et attentionnels. Mais grâce à un encadrement scolaire exceptionnel, Lucie a pu suivre une scolarité normale. Et j’attends la rentrée de septembre pour confirmer ou non ce diagnostic auprès de la psychologue scolaire. »
Enfin, quatre mois après la naissance de Lucie, Elina tombe à nouveau enceinte. Maxime naîtra en 2010. « Pour ne pas reprendre de risque, j’ai décidé d’arrêter la Dépakine. Enceinte, j’ai fait plusieurs crises, mais c’était un risque à prendre. Et qui me conforte, puisque Maxime est le seul qui n’a rien. »
« Il y a toujours le doute. Mais avec le recul, je me dis qu’il y a bien un lien entre le dosage de Dépakine et le handicap des enfants. Et je me sens coupable, car j’ai l’impression d’avoir empoisonné mes enfants. C’est un scandale sanitaire pire que celui du Médiator, car il y a beaucoup plus de victimes et ça touche des enfants par répercussion. On nous a fait empoisonner nos enfants, sans nous prévenir. Et ça touchera peut-être leurs descendants », tempête Elina.
« Porter plainte, j’y songe ! »
« J’ai adhéré à l’Apesac il y a un an, pour avoir plus d’informations sur le sujet et échanger avec d’autres familles. On se sent moins seuls. J’aimerais une reconnaissance officielle du syndrome de l’anticonvulsivant, qui justifierait le comportement de Lucie et démontrerait à son entourage, qu’elle n’est pas coupable ! Il faut aussi que le laboratoire Sanofi et l’Agence nationale du médicament soient condamnés, car ils savaient et ont laissé faire. »
Déposer plainte ? « Je l’envisage selon le diagnostic qui sera posé sur Lucie, mais c’est administrativement lourd et long. » À 33 ans, ne souhaitant plus d’autres enfants, après de violentes crises épileptiques et quatre mois d’arrêt de travail, Elina a repris la Dépakine. « J’ai mon cerveau qui fait parfois le 14-Juillet, et je ne peux me passer de ce traitement. C’est de ma survie dont je dois me préoccuper, si je veux aider mes enfants. »El Maxime, touchés différemment par cette prise ce, une mise en garde est faite auprès des femmes enceintes et depuis le 1 er janvier 2016, un protocole est à signer entre le neurologue et le patient sous Dépakine. Photo Christelle KLUGA
Source: Le progrés