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Dépakine : l’État veut un fonds d’indemnisation pour les victimes

Le Figaro 

INFO LE FIGARO – Alors que plus de 93.000 femmes en âge de procréer prenaient de la Dépakine en 2014 en France, le ministère de la Santé réfléchit à la mise en place d’un fonds d’indemnisation, comme pour le Mediator.

Selon nos informations, le ministère de la Santé planche actuellement sur la mise en place d’un fonds d’indemnisation pour les victimes de la Dépakine, un médicament antiépileptique responsable de malformations graves chez le fœtus. La question devrait être tranchée dans les prochaines semaines.

En attendant, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a remis son rapport. En privé, depuis plusieurs jours, le patron de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), Dominique Martin, confiait à ses visiteurs qu’il était soulagé: les choses auraient pu être bien pires pour son agence. Mais là, l’institution ne s’en tire pas trop mal. Il est vrai que le rapport Igas n’est pas vraiment à charge pour les autorités sanitaires françaises – d’aucuns le qualifient même de «mou» ou de «pauvre». D’ailleurs, il a été présenté par le directeur général de la santé et Dominique Martin lui-même. Pas par la ministre de la Santé ni par les inspecteurs. Une situation qui énerve à l’Igas. Un haut fonctionnaire déplore ainsi que «les responsabilités internes à l’Agence soient systématiquement étouffées, du moins pas mises en exergue, depuis le Mediator». Et ce n’est pas ce rapport Igas sur la Dépakine qui va le contredire.

 

Un rapport de 70 pages aux conclusions plutôt maigres

Retour en arrière. Face à l’ampleur du scandale concernant l’antiépileptique qui monte dans la presse, la ministre de la Santé diligente, fin juin, une enquête Igas. Le valproate est commercialisé en France par Sanofi depuis 1967, puis par les génériqueurs. Il est responsable de malformations physiques, parfois gravissimes, et de troubles du comportement chez les enfants dont la mère a pris le médicament pendant la grossesse. La première indication d’un effet tératogène chez l’homme est détaillée dans une étude du Lancet dès 1982. Cette dernière montre que les enfants de femmes traitées au premier trimestre de la gestation présentent un risque de spina bifida (malformation de la colonne vertébrale) multiplié par 30. Quant aux troubles du développement, ils commencent à être décrits en 1994, puis en 1997. Or, jusqu’en 2000, la notice à destination des patients indique qu’en cas de grossesse ou d’allaitement, il convient de consulter son médecin, mais elle n’évoque pas pour autant les risques encourus par le fœtus. Ce n’est qu’en 2006 qu’elle déconseille, et ce pour la première fois, l’utilisation de la Dépakine chez la femme enceinte, mais sans pour autant mentionner les risques de malformation et de troubles du développement.

La vraie question est donc de savoir à partir de quand, laboratoire et autorités sanitaires auraient dû informer les patientes. Plus de sept mois après avoir été missionnés, les trois inspecteurs de l’Igas ont donc livré leurs conclusions dans un rapport de 70 pages. Et elles sont plutôt maigres. Florilège. La Dépakine aurait entraîné 450 malformations congénitales à la naissance entre 2006 et 2014, un chiffre publié par Le Figaro le 18 juin dernier. Autre exemple: «On peut considérer qu’en 2004 l’accumulation des signaux justifiait des mesures d’information à l’attention des prescripteurs et des patients.»

Les arguties de l’Igas

Le curseur choisi par l’Igas est donc plutôt tardif. Or, quand on lit le rapport dans son intégralité, les inspecteurs notent bien, même s’ils ne le détaillent pas vraiment, le retard à l’allumage des autorités sanitaires françaises. Ainsi page 33: «De la mise sur le marché en 1967 au début des années 2000, les décisions administratives ont consisté en des modifications limitées du résumé des caractéristiques du produit», à savoir la notice réservée aux médecins, le RCP.

La mission Igas pointe du doigt la pharmacovigilance. «Le traitement du valproate par les autorités sanitaires interroge (âŠ) l’organisation du système de pharmacovigilance en France», écrivent ainsi les inspecteurs. Or, cette entité chargée d’enregistrer et d’évaluer les effets secondaires des médicaments n’a pas vraiment failli dans l’affaire de la Dépakine, contrairement au Mediator. Là encore, il faut lire plus avant le rapport pour trouver: «À compter de 1988, un certain nombre de cas marquants de pharmacovigilance sont examinés.» Il s’agit de 14 cas de malformations congénitales dont au moins 7 de spina bifida. Et l’Igas d’écrire: «Ces signaux ne sont pas pris en compte dans l’information des prescripteurs et des patients.» Qu’ont donc fait les autorités sanitaires et le laboratoire?

L’Igas a trouvé de quoi dédouaner l’Agence de son retard d’information dans le RCP: «Ce contenu paraît fidèle aux préconisations édictées par l’Agence en 1996.» Phénomène ubuesque, ces préconisations ne considèrent pas ces effets indésirables graves sur les fœtus comme une contre-indication! Pas sûr que la justice se satisfasse de ce genre d’arguties. Une enquête préliminaire est ouverte depuis octobre par le parquet de Paris. Les victimes attendent avec impatience la nomination de juges d’instruction.

En 2014, plus de 93.000 femmes en âge de procréer prenaient de la Dépakine en France.

 

 

Source Le Figaro

 

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