Les Echos
Prise par des femmes enceintes, la Dépakine augmente le risque de malformations et de troubles autistiques chez l’enfant.
Il s’agit d’une première dans le domaine de la santé, le décret autorisant cette procédure étant paru en septembre.
L’association des victimes de la Dépakine, ce médicament contre l’épilespsie vendu par Sanofi, va intenter une action de groupe contre le laboratoire. « Nous avons lancé la première phase amiable de l’action de groupe en écrivant une lettre recommandée au groupe Sanofi-Aventis France pour lui demander d’accepter sa responsabilité et d’indemniser les victimes », confirme Me Charles Joseph-Oudin, l’avocat des victimes.
Les familles attendaient la parution du décret instaurant l’action de groupe « en santé » pour lancer la procédure. Publié en septembre, il permet aux usagers de se regrouper pour incriminer un médicament ou un dispositif de santé défectueux. Il a été introduit dans la loi santé votée en décembre 2015.
L’action de groupe est pour l’instant engagée uniquement par l’Apesac qui va s’appuyer sur les dossiers de 14 familles. Elle ne sera ouverte aux familles de victimes que dans un 2e temps « lorsque le juge aura caractérisé la responsabilité de Sanofi » et que « le jugement sera définitif », a encore précisé l’avocat de l’Apesac.
Des femmes enceintes pas informées des risques
L’Apesac, qui fédère près de 2.900 familles de victimes, reproche à Sanofi de ne pas avoir informé les femmes enceintes des risques importants de malformations et de troubles neuro-développementaux encourus par leurs enfants.
La molécule en cause , le valproate de sodium, est considérée comme un médicament de référence, incontournable pour certains patients atteints d’épilepsie.
Mais lorsqu’une femme enceinte prend ce médicament, son enfant présente un risque élevé – de l’ordre de 10% – de malformations congénitales mais également un risque accru d’autisme et de retards intellectuels et/ou de la marche, pouvant atteindre jusqu’à 40% des enfants exposés.
Plus de 12.000 enfants en France pourraient souffrir de ces séquelles, selon l’épidémiologiste Catherine Hill, qui a établi une estimation « prudente » à partir des ventes du médicament et du nombre de femmes enceintes traitées.
La première étape d’un long parcours judiciaire
L’action de groupe maintenant engagée, Sanofi a quatre mois pour répondre à l’Apesac. A l’issue de cette période, l’association pourra saisir le Tribunal de Grande instance (TGI) de Paris afin de « faire reconnaître la responsabilité du laboratoire dans le retard d’information des utilisatrices alors qu’il connaissait les risques « depuis le début des années 1980 » relève Me Joseph-Oudin, qui défend ici les dossiers de quatorze femmes épileptiques traitées par Dépakine.
« La question des délais » est toutefois « extrêmement problématique » souligne l’avocat de l’Apesac. En effet, si à terme de cette première étape, le laboratoire est reconnu responsable, il ne s’agirait pas du jugement définitif. Un appel est ensuite possible, puis éventuellement un pourvoi en cassation. Un parcours judiciaire qui peut prendre de nombreuses années.
Ce n’est que lorsque ce jugement définitif sera prononcé que les autres femmes victimes de la Dépakine pourront prétendre à une indemnisation. Cette décision de justice éviterait à chaque malade d’avoir à établir la preuve que sa maladie est due à la Dépakine. Mais cela ne les dispenserait pas de se saisir eux-mêmes de ce jugement et de se lancer individuellement dans une action judiciaire.
Espérant raccourcir ces délais, l’association a décidé d’écrire aux ministres de la Santé et de la Justice pour « affecter les moyens nécessaires au traitement rapide » de l’affaire.
UNE INFORMATION JUDICIAIRE OUVERTE EN SEPTEMBRE
Cette action de groupe vient s’ajouter à la vingtaine de poursuites individuelles déjà engagées contre Sanofi.
Le Parquet de Paris a pour sa part ouvert une information judiciaire pour blessures involontaires et tromperie aggravée en septembre.