Bonjour Pamela. Vous êtes déléguée Apesac d’Ille et Vilaine, en Bretagne depuis quelques mois car vous êtes victime de la Dépakine. Votre maman en prenait depuis quel âge ?
Ma mère est épileptique depuis l’âge de 11 ans et a toujours été traitée par Dépakine.
Vous avez des frères et sœurs ?
Oui, je suis la troisième d’une fratrie de 4 enfants. Ma grande sœur s’appelle Sabrina. Elle est née sous Dépakine en 1988. Elle souffre d’épilepsie congénitale, de troubles visuels, de scoliose, de dysmorphies des mains et des pieds. Elle a des difficultés relationnelles, des troubles de l’apprentissage et a fait 7 tentatives de suicide.
Ensuite, il y a eu Francky qui est né en 1990 mais qui décédera à 1 mois et demi.
Que s’est il passé ?
L’épilepsie de ma mère n’était pas stabilisée et ses crises, de plus en plus nombreuses. Le médecin a alors décidé d’augmenter la dose et l’a passée à 5 comprimés par jour. Sous ce dosage, elle a mis au monde un petit garçon : Francky. Malheureusement, la forte dose de valproate s’est révélée mortelle pour mon frère qui est décédé 1 mois et demi plus tard. Une autopsie a été réalisée et rien n’a été trouvé ; les médecins ont conclu à la mort subite inexpliquée du nourrisson. Mais en récupérant son dossier médical , nous avons découvert que la Dépakine était la cause de son décès. Pire encore : son autopsie avait fait l’objet d’une thèse à l’université de Rennes 1 , le lien avec la dépakine était noté noir sur blanc alors qu’aucune de ces informations n’apparaissaient dans son rapport d’autopsie. Francky est décédé d’un foie remanié, il faisait des convulsions et était traité par valium. Mon frère est parti dans son sommeil après avoir arrêté le valium. Sanofi nous a privé de sa présence aux Noëls en famille, de ses anniversaires, d’amour, de rires, de complicité, de le voir grandir, le voir devenir un homme, d’avoir des enfants à son tour.
Sanofi et sa Dépakine nous a laissé meurtris avec une pierre tombale comme seul souvenir de sa mémoire.
C’est une terrible épreuve, en effet. Que s’est-il passé ensuite ?
En 1999, alors que ma mère attendait des jumeaux, toujours sous traitement, un des bébés est décédé à 2 mois. Alors que les médecins lui interdisaient d’arrêter de travailler, elle a décidé d’arrêter son traitement. Mon frère est né en 2000, en bonne santé contrairement à nous. Ma mère a repris la Dépakine après sa naissance.
Votre maman a attendu longtemps avant de vous avoir ?
Je suis née 3 ans après, en 1992. Ce malheur avait beaucoup affecté ma mère qui était alors sous anti dépresseurs. Comme elle voulait d’autres enfants, elle a stoppé tout traitement et a fait une fausse couche. Elle est revenue à sa posologie initiale, et s’est trouvée de nouveau enceinte en 1992. A la 2ème échographie, on lui a annoncé que j’ai 2 malformations cardiaques. Je suis née avec une valve cardiaque en moins et une coarctation (une valve rétrécie) qui sera opérée à 19 ans pour la pose d’une prothèse. Bébé, j’étais sous monitoring pour alerter mes parents quand mon rythme cardiaque chutait, et ils devaient me veiller constamment. La dépakine n’a pas eu pour seul effet cette malformation. Je souffre également de troubles visuels, perte d’audition, scoliose, bassin de travers, dysmorphie des mains et des pieds, troubles de l’apprentissage, problème de concentration… A mes 12 ans on s’est rendu compte que j’avais une tumeur bénigne au niveau du cerveau et de l’œil droit, c’est quelque chose de rarissime. J’ai été opérée plusieurs fois, fait un coma et grâce à l’intervention des médecins je suis là. J’ai eu un petit garçon en 2014 qui a des problèmes de santé (troubles ORL, faciès, hernie ombilicale, suspicion de troubles du comportement, possibilité de TDAH avec hyperactivité). Le généticien m’a confirmé oralement qu’il s’agissait d’une 2ème génération Dépakine. Alors que moi je ne prenais aucun traitement pendant ma grossesse, Timélio est affecté par le médicament que prenait ma mère. En 2016, on a découvert que mon artère pulmonaire commençait à fuir ainsi qu’une autre valve. Aujourd’hui je vais mieux, j’ai réussi à m’en sortir après avoir obtenu un concours dans la fonction publique, je suis désormais second de cuisine.
Vous avez ensuite découvert l’Apesac et fait le lien avec ce traitement…
C’était en 2016. Nous avons vu Marine Martin témoigner et dénoncer ce scandale. Et si nous étions aussi touchés ? Et si nos problèmes étaient en lien avec la prise de Dépakine de notre mère ? je ne voulais pas y croire mais mon médecin traitant m’a confirmé que c’est bien lié. Tout cela m’obsédait. Je passais des nuits à regarder le site de l’association, le groupe Facebook, les vidéos de l’Apesac, lire les tonnes d’articles sur le net de Marine et autres témoignages.
Pourquoi avez-vous souhaité vous investir dans l’association ?
C’était trop à supporter pour rester inerte. Sanofi avec sa Dépakine, ils nous ont pris notre frère, ils ont ravagé ma famille, des milliers de familles sont touchées. L’Apesac est devenue ma thérapie, mon oxygène. Je ne remercierai jamais assez Marine Martin d’avoir alerté, créé l’Apesac qui est un réconfort et un soutien vital pour les familles.
Je suis quelqu’un de très timide, qui n’a pas confiance en soi, parfois maladroite, mais tenace et déterminée. Je mourais d’envie de franchir le pas de devenir déléguée mais j’avais peur de ne pas être à la hauteur de la tâche.
J’ai envoyé mon cv et ma lettre de motivation à Laurence Blanchard (vice-présidente de l’Apesac, chargée des délégués). Elle m’a rassuré et mise en confiance, une vraie perle. C’est ce dont j’avais besoin et je suis trop heureuse.
Si vous avez du temps et de la motivation, venez nous rejoindre !