Indecosa CGT
Je m’appelle Marine Martin, je suis la lanceuse d’alerte du scandale de la Dépakine (Valproate de sodium) médicament antiépileptique prescrit aux femmes épileptiques ou bipolaires.
Atteinte d’épilepsie, j’ai pris depuis l’enfance ce médicament, reconnu pour son efficacité, sans me douter des ravages qu’il pouvait provoquer pour le fœtus. Peu après la naissance de mon second enfant, qui accuse des malformations et troubles neurocomportementaux, je cherche à comprendre la maladie de mon fils. En 2009, je découvre par hasard sur le site d’un hôpital parisien, le CRAT, le lien entre Dépakine et malformations et autisme. Je découvre également que cela était connu depuis des décennies. Je découvre également qu’en Grand Bretagne il existe une association l’OACS depuis 1999, date de naissance de ma fille ! Je tentai de la contacter une première fois en 2010 mais sans succès, puis en 2013 où enfin nous réussirons à échanger.
En France aussi le laboratoire Sanofi a été attaqué par une famille en 2007. Après une prise de contact avec cette famille je décide de fonder l’association française APESAC (Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant) des victimes de la Dépakine et autres antiépileptiques. Je décide d’agir, en alertant les médias et les pouvoirs publics. À force d’acharnement, je finis par obtenir la réévaluation du rapport bénéfice/risque du médicament au niveau européen en 2013/2014 avec mes homologues Anglaises et Irlandaises, avec la mise en place d’un protocole comme pour un autre médicament existant en France le Roacutanne (médicament contre l’acné).
Je vais obliger le gouvernement français sous la menace de déposer 250 dossiers de plaintes au tribunal de Paris de diligenter une enquête de l’IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales) pour connaître les responsables de ce scandale sanitaire. Cette enquête révèlera l’inertie du laboratoire Sanofi et des pouvoirs publics.
Suite à cela je vais négocier pendant 6 mois avec le gouvernement pour la mise en place d’un fond d’indemnisation pour les victimes. Cela résous le problème de la prescription des faits, permet une indemnisation rapide et ne nécessite pas forcement la présence d’un avocat.
En 2016 je vais également négocier avec le gouvernement français la sortie d‘études pour connaître le nombre exact de victimes. 3 rapports sortiront au total : le premier qui estimera à 4000 les nombre d’enfants nés avec des malformations, le second qui dira qu’entre 2007 et 2014 : 14 000 femmes ont été enceinte sous Dépakine et que seulement 8700 enfants sont nés vivants. Enfin le dernier qui dira que 30 000 enfants sont nés atteints de troubles neurocomportementaux depuis le début de la commercialisation en France (1967).
En 2016 je vais également faire modifier la loi pour rendre obligatoire l’apposition d’un pictogramme sur les boites de Dépakine mais aussi pour tous les médicaments dangereux pour la grossesse. Puis je l’imposerai au niveau européen. Je vais attaquer le laboratoire Sanofi dans une procédure au civil, en 2012, pour tromperie, puis j’attaquerai Sanofi au pénal en 2015, puis j’attaquerai l’état en 2016 et enfin je serai la première association française à porter plainte en Action de Groupe en 2016 (la loi n’existe que depuis septembre 2016).
En 2017 le fond d’indemnisation sera mis en place pour les victimes et aujourd’hui les premières victimes vont être indemnisées en mai juin 2019. Sanofi a depuis été condamné dans une plainte déposée en 2007 a versé 3 millions d’euros à une petite fille née en 2002. Sanofi refuse de payer toutes ces condamnations et utilise tous les recours possibles pour échapper à la justice. J’ai écrit un livre « Dépakine le Scandale je ne pouvais pas me taire », qui est sortie chez Robert Laffont en 2017 et qui a reçu le Prix de la Revue médicale PRESCRIRE.
En 2018 je réussirai à avoir une étude de l’agence de santé ANSM qui pointe du doigt le fait que les antiépileptiques sont tous « foetotoxique » pour le fœtus et qu’il est nécessaire d’approfondir la question afin de donner une information éclairée à la patiente. Début 2019 enfin sera rendu publique le fait que la Dépakine a aussi un effet transgénérationnel, c’est à dire que les enfants des enfants Dépakine sont susceptibles d’avoir des malformations ou des troubles neurodéveloppementaux.
En février 2020, le juge d’instruction chargé du dossier pénal met enfin Sanofi en examen, suite à la plainte que j’avais instaurée en juin 2016. Le laboratoire est poursuivi pour mise en danger de la vie d’autrui et tromperie aggravée, homicide involontaire. Depuis, plus de 70 victimes m’ont rejointe et se sont constitué partie civile. L’ANSM en octobre 2020 avait à son tour été mise en examen dans la procédure pénal pour mise en danger de la vie d’autrui et homicide involontaire. Nous espérons d’ici 4 à 5 ans un grand procès pénal Dépakine.
En Mars 2021, le tribunal administratif de Montreuil reconnait la responsabilité de l’État à hauteur de 40 % dans le défaut d’information de la notice patient du médicament Dépakine pour les malformations physiques dont souffrent mes enfants, mais refuse de reconnaître que la littérature scientifique faisait état des atteintes neuro-développementales. Or dès 1984, Di Liberti en faisait état, puis en 1994 la publication de Christianson, ou encore Moore en 2000.
Plus d’une centaine d’enfants avaient déjà étaient signalés à la pharmacovigilance. Cette décision de poser un curseur en date de 2004 (étude Cochrane) permet à l’État de ne pas indemniser l’autisme c’est à dire l’aidant familial nécessaire à ces enfants qui s’avère être le poste de préjudice le plus onéreux. Il reste encore beaucoup à faire, si l’on veut qu’enfin les différents acteurs comprennent qu’il ne faut pas attendre une certitude en matière de médicament avant d’alerter mais bien la mise en œuvre du principe de précaution.
Voir ci-dessous : “Scandale de la Dépakine : la nouvelle mise en examen de Sanofi est une petite victoire pour les familles” sur France 3 Nouvelle Aquitaine du 5 août 2020.