Pourquoi avez-vous pris de la Dépakine ?
J’ai fait ma première crise d’epilepsie en 1990. J’avais 11 ans et je ne savais pas ce que c’était. Personne dans ma famille n’était épileptique. Le neurologue m’a mise tout de suite sous Dépakine, 2 comprimés par jour. Pendant l’adolescence, j’oubliais consciemment de prendre mon traitement mais la maladie me rappelait douloureusement qu’elle était là, bien installée.
Parliez-vous facilement de votre épilepsie ?
Difficilement. Personne ne savait à part une amie proche. Quand j’ai rencontré mon mari, je ne voulais pas le lui dire. Et puis en allant chez lui, j’ai aperçu une boite de Dépakine sur le comptoir : sa mère en prenait et il avait l’habitude.
Comment s’est passée votre première grossesse ?
A 19 ans en 1998, je tombe enceinte, mais malheureusement, je dois subir un curetage à 14 semaines de grossesse. Mon bébé ne vivait plus. Mon gynécologue me dit alors : il faut vous faire une raison, la nature fait bien les choses.
Un mois plus tard, je suis de nouveau enceinte d’une petite fille, Marie, née en 1999. Malgré des saignements et une grossesse difficile, je n’ai pas été plus surveillée que la normale. Marie est née prématurée. Elle présente des troubles de l’audition, une malformation des doigts, des troubles du langage, un retard des acquisitions.
Avez vous eu d’autres enfants ?
Ma deuxième fille s’appelle Axelle. Elle est née en 2004 après une grossesse difficile car je fus alitée pour un décollement de placenta. Elle pleurait tout le temps, on ne sortait plus. Les médecins me donnaient toutes sortes d’explications. Axelle a des troubles du comportement et mes proches me culpabilisaient, me disant que j’étais tout le temps après elle ou que je la délaissais pour mon garçon né en 2007. Il y a quelques temps le diagnostic est enfin tombé : troubles du spectre autistique (TSA). Et mon entourage s’est rendu compte des difficultés au quotidien.
Raphaël, le troisième, est né en 2007 avec une craniosténose. Le médecin m’avait rajouté de l’acide folique pour cette grossesse. Le pédiatre m’explique que c’est parce qu’il était mal placé dans le bassin. Le généticien que nous consultons un mois après ne me dit rien sur le lien avec la Dépakine. Un pli palmaire à la main, pas de cartilage aux oreilles, une malformation des doigts, de l’hyperlaxité, des troubles ORL et cognitifs… D’après les médecins « c’est la faute à pas de chance ».
En 2013, toujours sous contraception, je tombe enceinte et le bébé n’est plus là à 12 semaines. Nous décidons de faire appel à la PMA (procréation médicale assistée) et je suis de nouveau enceinte quelques mois après. Je ferai de nouveau une fausse couche encore à 12 semaines.
Ne voulant pas rester sur cet échec, nous souhaitons un 4ème enfant et je suis enceinte en avril 2015 toujours sous Dépakine. A 2 mois de grossesse, je rencontre Chantal chez l’orthophoniste, une maman dont le fils était handicapé à cause de la Dépakine. Elle m’invite à une réunion dans la Manche chez Aurélie et je vois Marine Martin. Je ressors de cette réunion anéantie, je ne voulais pas entendre la vérité.
Les médecins ne vous avaient pas informé des risques sur le fœtus ?
Ils ne m’avaient rien dit ! De quel droit cette mère de famille me disait que je pouvais toujours avorter ? J’en voulais à la terre entière et à moi-même. Je décide de couper les ponts avec Apesac. En allant voir un généticien à 6 mois de grossesse (j’avais entendu que la craniosténose était fréquente chez les garçons) il m’explique que je ne dois pas rester sous dépakine et on me prescrit du lamictal pour les 2 derniers mois. Sasha nait fin 2015 après la pire de grossesse de ma vie, un vrai cauchemar. Il a des troubles du comportement, du langage, il pleure beaucoup.
Que vous a apporté l’Apesac ?
J’en ai beaucoup voulu à Marine Martin et il a fallu accepter le handicap de mes enfants en lien avec mon traitement. J’ai 4 enfants qui ont tous des symptômes différents. Heureusement que l’Apesac est là via les réseaux sociaux car on se sent moins seul . Cela me permet de discuter des prises en charge, des procédures, d’échanger des coordonnées de médecins. J’espère pouvoir rencontrer d’autres familles de ma région.
Témoignage de Manuella Hamelin recueilli par Nathalie Orti.