Marianne
Clotilde Cadu
Cet antiépileptique ne doit pas être prescrit aux femmes enceintes ou en âge de procréer en raison de ses risques pour l’enfant à naître. Pourtant, un grand nombre de patientes n’ont pas été prévenues.
Le message est on ne peut plus clair : la Dépakine et tous les autres médicaments contenant du valproate ne doivent plus être prescrits aux femmes enceintes ou en âge de procréer. L’Agence nationale de sécurité des médicaments (ANSM) l’a rappelé le 2 décembre dernier, la Haute autorité de santé l’a redit le 9 décembre. Pourtant, le message reste très mal entendu : des patientes continuent à recevoir cet antiépileptique et ne sont toujours pas averties des risques importants que présente la molécule pour les enfants qui y sont exposés dans le ventre de leur mère.
Un sondage dévoilé par l’Agence nationale de sécurité du médicament montre l’ampleur du problème : 62% des femmes qui sont traitées par la Dépakine ne sont pas ou peu informées sur les effets de leur comprimé, 94% n’ont pas signé le formulaire d’accord de soins, théoriquement obligatoire avant toute prescription. « Nous sommes très préoccupés par cette affaire », confie Dominique Martin, le directeur général de l’ANSM. L’exposition in utero à la Dépakine peut générer de graves malformations et troubles neuro-cognitifs. Ces méfaits sont connus depuis de longues années, mais les autorités sanitaires n’ont pris des mesures de restriction et d’encadrement strict des prescriptions qu’au cours de l’année 2015.
« Certains sont dans le déni, ils ne veulent pas changer leurs habitudes. »
« Ces chiffres viennent corroborer ce que j’entends. Il y a encore des femmes qui prennent de la Dépakine pendant leur grossesse », se désole Marine Martin, la présidente de l’APESAC, une association de parents d’enfants exposés au médicament. « Certains médecins n’ont pas lu les courriers envoyés par l’ANSM. Je ne comprends pas non plus que les neurologues ne rappellent pas toutes leurs patientes sous Dépakine pour les informer. Il existe des alternatives à ce traitement, j’ai recensé 24 antiépileptiques différents ! Je pense que certains sont dans le déni, ils ne veulent pas changer leurs habitudes. »
Résultat : des patientes apprennent au détour d’un reportage télé que leur antiépileptique comporte des risques très importants. Marine Martin elle-même l’a découvert au hasard d’une recherche sur Internet, en 2009. Depuis, la mère de famille se bat pour que toutes les patientes épileptiques soient informées des dégâts que peut causer la Dépakine. Ceux-ci sont loin d’être très récents : dès les années 1980, des publications faisaient état de la nocivité du valproate pour les fœtus, sans qu’elle ne soit toutefois indiquée sur la notice glissée dans la boîte du médicament. La grossesse n’a été déconseillée aux patientes qu’à partir de 2006. D’après Marine Martin, 30.000 enfants ont pu être exposés à la substance depuis le début de la commercialisation du produit, en 1967.
Plusieurs familles ont saisi les tribunaux pour que les responsabilités dans cette affaire sanitaires soient établies. Le Parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire et la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a confié une mission à l’Inspection générale des affaires sociales dont les conclusions devraient être remises prochainement.
Source : https://www.marianne.net/societe/depakine-attention-danger