Dans la presse en 2023

Les députés simplifient le régime juridique des actions de groupe

LES ECHOS

Mercredi soir, l'assemblée nationale a adopté à l'unanimité la proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe. Ce texte simplifie l'accès à la procédure, avec un régime juridique unique et des délais raccourcis.

Près de huit ans après son introduction dans la loi, l'action de groupe a démontré son ineffi cacité. Seules 32 procédures de ce type ont été initiées, dont quatre ont connu une issue positive, trois parmi elles ayant fait l'objet d'une transaction. Sanofi est finalement le seul groupe à avoir été condamné par le tribunal de Paris, en 2022, à l'issue d'une action de groupe intentée par une association de femmes ayant pris du Dépakine pendant leur grossesse. Ce médicament avait provoqué des malformations physiques et des troubles du neurodéveloppement du foetus in utero. Cette décision n'est pas définitive, car le laboratoire a interjeté appel.

La donne pourrait changer. Mercredi soir, un peu avant 20 heures, les députés ont voté, à l'unanimité, une proposition de loi (PPL) portée par les députés Laurence Vichnievsky (Modem) et Philippe Gosselin (LR). Cette PPL a pour but de faciliter l'accès à cette procédure juridique pour en favoriser le développement.

Le texte prévoit d'abord d'élargir son champ d'application. Limité dans un premier temps au droit de la consommation, il a été étendu, en 2016, à la santé, l'environnement, la protection des données personnelles, la lutte contre les dis- criminations, puis en 2018 aux litiges relatifs à la location immobilière.

Champ d'application « quasiment universel »

Demain, il sera « quasiment universel », selon les deux députés. L'ensemble des préjudices, qu'ils soient corporels, matériels ou moraux, seront indemnisables. Lors des débats, mercredi après-midi, le gouvernement a tenté d'exclure du champ d'action les manquements des employeurs liés au Code du travail. En vain. Le texte étend ensuite le nombre d'associations pouvant engager de telles actions. Jusqu'à présent, seules des associations agréées, comme des associations de consommateurs (UFC-Que Choisir, CLCV...), pouvaient intenter ces actions en justice. A l'avenir, 50 personnes physiques, ou 5 personnes morales, pourront créer une association « ad hoc » pour engager la procédure.

La proposition de loi permet aussi d'alléger le coût de la procédure pour les plaignants, avec la possibilité donnée au juge de faire peser sur l'Etat tout ou partie de l'avance des frais. Elle prévoit aussi que des tribunaux judiciaires désignés aient une compétence exclusive en matière d'action de groupe.

Une sanction civile

Surtout, les députés ont créé, pour la première fois dans le cas d'une action de groupe, une sanction civile en cas de faute intentionnelle ayant causé des dommages sériels. Lorsque le manquement est commis par une personne physique, le montant de la sanction ne peut être supérieur au double du profit réalisé. Lorsque la personne à l'origine du manquement est une personne morale, la sanction est plafonnée à 3 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France.  A son tour, le Sénat va se pencher, d'ici peu, sur cette proposition de loi. En France, ces dernières années, pour échapper aux règles procédurales interprétées de façon extrêmement stricte sur la recevabilité des actions de groupe, se sont développées des actions collectives ou groupées. C'est le cas dans l'affaire H2O, cette star déchue de la gestion d'actifs qui a lésé des dizaines de milliers d'épargnants et de professionnels, ou encore dans le scandale du Dieselgate, où Volkswagen est mis en cause pour avoir faussé les émissions réelles de ses véhicules. Reste à voir si les actions de groupe vont désormais prospérer et remplacer les actions collectives.

 

Source : Les echos, par Laurence BOISSEAU