Pharma 365
C’est une petite révolution qui se prépare pour les professionnels de santé, prescripteurs comme pharmaciens. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) vient d’annoncer un renforcement drastique des conditions de prescription et de délivrance de trois antiépileptiques majeurs : le valproate, la carbamazépine et le topiramate. En ligne de mire : limiter les risques d’exposition fœtale à ces molécules, responsables de malformations congénitales et de troubles neurodéveloppementaux lorsqu’elles sont utilisées pendant la grossesse.
Prescription sous haute surveillance : des restrictions ciblées
À compter du 6 janvier 2025, la prescription initiale de valproate sera strictement réservée aux neurologues, psychiatres et pédiatres, qu’il s’agisse des hommes ou des femmes. Une évolution notable puisque, jusqu’ici, les restrictions concernaient principalement les femmes en âge de procréer. L’implication des hommes dans les recommandations traduit un changement de paradigme : les risques ne se limitent pas à la période de grossesse mais concernent aussi la transmission potentielle d’effets génétiques à la descendance.
Même son de cloche pour la carbamazépine, dont la prescription sera dorénavant cadrée par les mêmes exigences. Une consultation spécialisée sera obligatoire avant d’initier un traitement. Le renouvellement, lui, pourra être effectué par un médecin généraliste mais dans la limite d’un an, date à laquelle une réévaluation par un spécialiste s’imposera.
De son côté, le topiramate, utilisé à la fois dans le traitement de l’épilepsie et en prévention des migraines, voit sa prescription élargie aux médecins spécialistes de la douleur. Cette décision vise à améliorer la prise en charge des patients souffrant de douleurs chroniques. Mais cet assouplissement s’accompagne d’une vigilance accrue chez les femmes en âge de procréer, avec des mesures d’information et de contraception rigoureusement encadrées.
Un nouveau document incontournable : l’attestation d’information partagée
Autre changement majeur : le formulaire d’accord de soin, déjà en place pour le valproate, sera abandonné au profit d’une attestation d’information partagée. Ce document devra être signé chaque année par le prescripteur et le patient, attestant d’une compréhension claire des risques associés à ces traitements. Sans ce sésame, aucune délivrance en pharmacie ne sera possible.
Cette évolution vise à renforcer la sensibilisation des patients, en particulier les femmes enceintes ou celles envisageant une grossesse. Les risques sont loin d’être anecdotiques : 10 à 30 % des enfants exposés au valproate in utero présentent des troubles neurodéveloppementaux, auxquels s’ajoutent des malformations physiques graves. Le topiramate, quant à lui, multiplie par deux le risque de fentes labio-palatines et de malformations cardiaques chez les nouveau-nés.
Un rôle clé pour les pharmaciens : entre vigilance et pédagogie
Pour les pharmaciens, ces nouvelles règles signent une montée en responsabilité. À l’officine, la délivrance de ces médicaments sera conditionnée à la présentation d’une ordonnance conforme et de l’attestation d’information partagée. Une vigilance accrue sera nécessaire pour éviter toute délivrance hors cadre.
Mais le rôle du pharmacien ne se limitera pas au contrôle. Il devra également jouer la carte de la pédagogie, en expliquant aux patients les risques encourus et l’importance d’une contraception efficace chez les femmes en âge de procréer. Ce dialogue devra être renforcé en cas d’oubli d’une consultation spécialisée ou d’incompréhension des nouvelles obligations. Une collaboration étroite avec les prescripteurs s’imposera, pour garantir l’application rigoureuse de ces nouvelles règles.
Un tournant pour la sécurité des patients
Avec ces mesures, l’ANSM entend tirer les leçons des précédents manquements dans le suivi des traitements à risques. Le cas emblématique de la Dépakine (valproate de sodium) et des milliers d’enfants victimes de troubles graves avait déjà mis en lumière les failles du système. Aujourd’hui, l’objectif est clair : zéro tolérance pour les prescriptions non encadrées.