Le Monde
Pharmacie L’Agence de sécurité du médicament propose de faire évoluer le système d’information sur les risques des traitements
Les pictogrammes sur les boîtes de médicaments avertissant des dangers pour la femme enceinte sont actuellement réévalués par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). C’est la direction générale de la santé (DGS) qui l’a mandatée, « suite à la demande de professionnels de santé et d’associations de patients d’améliorer la lisibilité des pictogrammes pour le public », précise la DGS. « L’information a pu être jugée peu claire car pouvant être mal interprétée par les femmes enceintes ou ayant un désir de grossesse » , nous explique Céline Mounier de la direction générale de l’ANSM.
Rappelons que depuis 2017, un pictogramme « danger » ou « interdit » est apposé sur certaines boîtes de médicaments pour prévenir des risques tératogènes (susceptibles de provoquer des malformations chez l’embryon) ou fœtotoxiques (effet sur la croissance du fœtus et le développement des organes). Ce système d’information a été mis en place après le scandale de la Dépakine (valproate), un médicament traitant l’épilepsie et les troubles bipolaires. Connus de longue date par Sanofi, son fabricant, les dangers pour le fœtus ont tardé à être signalés dans la notice.
En France, où elle est commercialisée depuis 1967, la Dépakine s’est avérée responsable de malformations congénitales et de troubles neurodéveloppementaux chez des milliers d’enfants de mères traitées pendant leur grossesse. De même d’autres traitements antiépileptiques présentent des risques. Environ 100 000 femmes en âge de procréer sont concernées par la maladie, selon le rapport ANSM de 2023 « Antiépileptiques au cours de la grossesse ».
Pour améliorer l’information, l’agence a installé un comité scientifique temporaire (CST) début 2023 qui s’est réuni une vingtaine de fois, a procédé à plusieurs auditions et a bouclé, le 17 octobre, une consultation publique, dont les retours sont en cours d’examen. Cette instance propose plusieurs changements, dont un de taille :tous les médicaments seraient concernés par les nouveaux pictogrammes contre environ 70 % aujourd’hui, dont un tiers comporte le logo « interdit » et deux tiers celui de « danger ». Autre modification, outre les risques tératogène et fœtotoxique seraient spécifiés ceux de fausse couche et de troubles neurodéveloppementaux.
Ce nouveau dispositif « ne préciserait pas la nature du risque, mais donnerait une échelle de risque, avec une conduite à tenir qui renvoie systématiquement la femme enceinte ou en âge de procréer à une discussion avec les professionnels de santé », précise Céline Mounier. En pratique, le risque irait de « peu probable »à « avéré » avec quatre codes couleur associés (bleu, orange, rouge, violet). Pour évaluer ce risque, le CST propose de se fonder sur le résumé des caractéristiques du produit (RCP) de chaque médicament.
Liste déjà publique
Certains reprochent le délai pour mettre à jour ces informations. « La réévaluation de ce pictogramme vise une information éclairée des femmes enceintes ou en désir de l’être. L’information dite “d’alerte” se transmet par d’autres canaux et parfois bien avant que les informations soient consolidées », reconnaît Céline Mounier. Pour répondre aux interrogations des femmes enceintes, le Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat), une structure publique implantée à l’APHP, liste aussi les médicaments dangereux pendant la grossesse.
Marine Martin, présidente de l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac), auditionnée dans le cadre du CST, se demande toutefois « pour quelles raisons supprimer des pictogrammes bien compris par les femmes enceintes ». Elle envisage même « d’attaquer l’ANSM pour mise en danger de la vie d’autrui, ces pictogrammes à venir étant moins visibles, moins compréhensibles », souligne-t-elle.
Pour l’épidémiologiste Catherine Hill, conseillère scientifique de l’Apesac, « le fait d’élargir l’information à tous les médicaments affaiblit considérablement la portée du dispositif, car si l’information est partout, elle deviendra invisible ».
« Le fait qu’il n’y ait aucune information sur un grand nombre de médicaments pouvait être interprété comme le fait qu’il n’y avait aucun danger », justifieCéline Mounier. Or, « on le sait, aucun médicament n’est anodin et encore moins quand on a un désir de grossesse ». L’objectif est que ce dispositif amène la femme enceinte à se renseigner auprès de son professionnel de santé, comme le rappelle l’assurance-maladie.
L’ANSM souhaite transmettre une proposition à la DGS d’ici à la fin de l’année, qui tranchera par décret en cas de changement.