Ouest France
« Dès le début, j’ai culpabilisé », confie aujourd’hui Jean-Marc Laurent, 58 ans, père de Margot, 14 ans, diagnostiquée multidys il y a maintenant neuf ans (*). Ses prises quotidiennes de Dépakine lui font invariablement penser que sa fille souffre de handicaps à cause de lui. Les enfants dont le père – et pas seulement la mère – a pris ce médicament peuvent également développer des troubles, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).
L’ancien présentateur du Loto sur TF1 et chroniqueur de Matin Bonheur sur Antenne 2 était parti vivre à Madagascar. C’est là qu’il a rencontré son épouse. Lorsque le couple rentre à Paris en 1996, Jean-Marc Laurent souffre d’une crise d’épilepsie. Elle révèle l’existence d’un ténia absorbé sur l’île de l’Océan indien, qui a causé une infection du cerveau.
En 1999, un médecin lui prescrit de la Dépakine 500 Chrono , matin, midi et soir, qu’il est toujours obligé de prendre aujourd’hui. Sa première fille, Éloïse, est née en 2004. Margot arrive en 2009.
En 2014, il découvre qu’elle est « maladroite ». Elle ne parle pas, ne dessine pas comme les autres. L’institutrice note un décalage. Margot ne se repère pas dans l’espace.
Génétique ? Héréditaire ?
« Handicapée toute sa vie ? » Jean-Marc Laurent refuse d’y croire. Selon lui, c’est pour se consacrer à sa fille Jean-Marc Laurent qu’il a tiré un trait sur sa carrière d’homme de médias. Il inscrit Margot dans une classe Ulis (adaptée) d’un collège bordelais. Le matin, avec les autres élèves. L’après-midi, elle joue aux échecs, s’essaye aux patins à roulettes…
« Il a fallu cinq ans pour lui apprendre à faire de la balançoire, cinq ans pour lui faire comprendre que les jambes servent à avancer. » Jean-Marc Laurent en souffre. Est-ce génétique ? Héréditaire ? Le scandale sanitaire de la Dépakine révèle que cet antiépileptique pris par des milliers de femmes pendant leur grossesse est à l’origine de troubles neurologiques et physiques sur leurs enfants…
Jean-Marc Laurent entre en contact avec l’Apesac, une association de malades fondée en 2011 par Marine Martin, lanceuse d’alerte du scandale de la Dépakine . À leur tour, des hommes commencent à se poser des questions sur une éventuelle transmission paternelle. Jean-Marc Laurent envisage une action judiciaire contre Sanofi, le laboratoire qui commercialise le médicament. Il fait des dossiers « en préparation du jour où il y aura une brèche. »
Des contacts à Vannes
Fin 2016, il entre en contact avec le généticien Hubert Journel. Le chef du pôle Femme-mère-enfant, au centre hospitalier Bretagne Atlantique de Vannes (Morbihan), qui lance des recherches sur une éventuelle transmission masculine. À l’époque, l’état des connaissances n’établissait aucun lien entre la Dépakine et sa fille. « C’est une fatalité », lui répétaient ses proches. Sa femme était résignée. Lui n’arrivait pas « à faire avec ».
Il décide, alors, de témoigner, lance une webradio. Il se sent en mission : « Y a-t-il beaucoup d’enfants comme Margot ? Y a-t-ilplus d’autistes et de troubles cognitifs depuis que ce médicament existe ? » Jean-Marc Laurent s’interroge… « Bien sûr que j’en veux à Sanofi. Mais mon histoire est un mal pour un bien. Les troubles de ma fille m’ont ouvert les yeux. Je ne me serais jamais intéressé à ces enfants touchés par un handicap invisible. Maintenant, j’essaye de leur apporter du bonheur. »
Maintenant que l’Agence du médicament estime qu’il existe « un possible risque pour le fœtus si le père est traité à la Dépakine ». Jean-Marc Laurent va rouvrir ses dossiers. « Je n’abandonnerai jamais. »
(1) Dyslexique, dyspraxique, dysphasique, dyscalculique…