Pourquoi docteur
Elle n’a jamais pris de Dépakine mais a été exposée aux rejets toxiques dans l’atmosphère de l’usine produisant le médicament à Mourenx : une maman de deux enfants autistes a porté plainte contre X pour mise en danger d’autrui.
C’est un nouveau volet qui démarre dans l’un des plus grands scandales pharmaceutiques français. Selon les informations de nos confrères au journal Le Monde, une mère de deux enfantsprésentant des troubles neurodéveloppementaux semblables à ceux observés chez les enfants exposés in utero à la Dépakine, a déposé plainte contre X pour mise en danger d’autrui auprès du pôle santé publique du tribunal judiciaire de Paris. Cette mère de famille n’a jamais pris le médicament mais a été exposée aux rejets dans l’air de valproate de sodium (son principe actif), sur son lieu de travail.
L’ESSENTIEL
Une mère de deux enfants autistes suspecte l’usine de Sanofi à Mourenx d’être à l’origine des troubles de ses enfants. Cette usine fabriquant de la Dépakine a rejeté dans l’atmosphère des taux hors normes de valproate de sodium jusqu’en 2018. Ce principe actif est connu pour ses effets tératogènes : en cas d’exposition maternelle au cours de la grossesse, il expose l’enfant à un risque élevé de malformations et de troubles neurodéveloppementaux.
Un antiépiléptique responsable de malformations et de troubles neurodéveloppementaux chez des milliers d’enfants
Produit par le géant pharmaceutique Sanofi, ce médicament antiépileptique n’est interdit aux femmes enceintes ou en âge de procréer que depuis 2016. Pourtant, les premières alertes ont été lancées dès les années 80 pour les risques de malformations congénitales et dès le début des années 90 pour ceux concernant les troubles neurodéveloppementaux. Sur la période s’étalant de 1967 à 2016, la Dépakine est responsable de malformations congénitales majeures chez 2.150 à 4.100 enfants et de troubles du neurodéveloppement chez 16.600 à 30.400 enfants, selon une étude de l’Agence du médicament (ANSM) et de l’Assurance Maladie (CNAM) publiée en juin 2018.
Valproate de sodium : des rejets toxiques dans l’atmosphère par l’usine de Mourenx
Située à Mourenx dans les Pyrénées-Atlantiques, l’usine de Sanofi qui fabrique de la Dépakine a déjà été pointée du doigt en 2018 pour ses rejets toxiques hors normes de valproate de sodium et de bromopropane (un composé organique classé cancérogène, mutagène et reprotoxique possible). “Le flux annuel est estimé à 13,4 tonnes / an selon le scénario « réaliste » et à 20,2 tonnes / an selon le scénario « enveloppe »” concernant le valproate de sodium, détaille le rapport d’évaluation de l’INERIS (Institut national de l’environnement industriel et des risques). Le scénario “réaliste” correspond au flux moyen mesuré, tandis que le scénario “enveloppe” représente le flux maximum mesuré sur cette période.
Face à ce constat, l’usine a été mise en demeure par les autorités de mettre un terme à ces émissions… Mais le mal a déjà été fait pour de nombreux riverains, comme cette maman de deux enfants nés en 2014 et en 2016 et diagnostiqués autistes. Interrogée par Le Monde, elle explique avoir réalisé un test de Dépakinémie en 2018 qui s’est révélé positif alors même que la production de l’usine était à l’arrêt.
Malformations, TSA : “cela pourrait représenter des milliers d’enfants”
Combien d’autres victimes de ces rejets toxiques pourrait-il y avoir dans la région ? “C’est difficile à quantifier, nous explique Marine Martin, présidente de l’Apesac (Association d’Aide aux Parents d’Enfants souffrant du Syndrome de l’Anti-Convulsivant). Mais cela pourrait représenter des milliers d’enfants.” La fondatrice de l’association souhaite que des investigations soient menées auprès de la population et notamment sur les enfants du secteur. “Dans le cadre de l’instruction qui a débuté le 10 novembre, j’ai demandé au juge d’instruction de prendre les données de l’Assurance Maladie afin de regarder si parmi les habitants qui vivent dans le bassin de Lacq [lieu où se trouve l’usine de Sanofi, ndlr], il n’y aurait pas un nombre anormalement élevé d’enfants présentant des malformations et/ou des troubles du spectre autistique”, précise-t-elle avant d’ajouter : “le coût ne serait pas énormissime, donc j’espère qu’elle accédera à mes demandes”.
Contactée par l’AFP, l’entreprise pharmaceutique a indiqué n’avoir “pas connaissance de cette procédure”. Sanofi affirme qu’“à ce stade, aucune” des études déjà réalisées ou en cours “n’a permis de faire ressortir un risque particulier” lié aux “émissions atmosphériques” générées par la fabrication du médicament.
La Dépakine était déjà revenue sur le devant de la scène l’été dernier, suite à la publication de cette étude montrant une augmentation du risque de troubles neurodéveloppementaux chez les enfants dont le père a été traité par valproate ou ses dérivés (Dépakine, Dépakote, Dépamide, Micropakine et génériques), dans les trois mois avant la conception, comparativement aux pères traités par d’autres antiépileptiques (lamotrigine ou lévétiracétam).