Ca m’interesse
Le groupe Sanofi a été reconnu responsable d’un manque de « vigilance » et « d’informations » sur les risques de la Dépakine pour le fœtus des femmes prenant le médicament antiépileptique pendant leur grossesse. Des femmes sont en première ligne dans nombre d’affaires mettant en cause des médicaments et des dispositifs médicaux.
C’est en 2011 que Marine Martin, épileptique lance, l’alerte. Lors de ses deux grossesses, la jeune femme prend de la Dépakine. Ses deux enfants naissent handicapés, avec d’importantes malformations. Comme Irène Frachon et le Médiator, Marine Martin décide de dénoncer les effets dévastateurs du médicament de Sanofi. C’est à partir de 2017 que les victimes de la Dépakine se réunissent au sein de l’Apesac, l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant, qui lance le combat judiciaire contre le groupe pharmaceutique
Les femmes payent le plus lourd tribut aux crises sanitaires
Médiator, Distilbène, Dépakine, Essure… Ces médicaments (substances à risque durant la grossesse…) ou dispositifs médicaux (prothèses vaginales et mammaires, contraceptifs…) ont fait des victimes, et principalement des femmes. « Elles ont payé le plus lourd tribut dans les crises sanitaires majeures de ces dernières décennies », affirme Florence Méréo, spécialiste de la santé au Parisien. Parfois, la prise de ces produits ne répondait même pas à un impératif de santé. « Les normes de beauté féminine pèsent lourdement sur les femmes », remarque Catherine Vidal, coresponsable du groupe genre et recherche en santé à l’Inserm.
« Ne vous inquiétez pas » : les femmes sont moins écoutées
La journaliste Florence Méréo a rassemblé les témoignages de femmes lanceuses et porteuses d’alerte. Des histoires à la fois terribles et extraordinaires, dont il ressort des traits communs : « Lorsqu’elles ont exprimé leurs doutes à leur médecin, elles n’ont pas été écoutées, remarque la journaliste. Elles rapportent des propos légers, du type « ne vous inquiétez pas », voire du déni et une totale opacité. » Ce fut le cas pour la trentenaire Aurélie Joux, dont l’accouchement, déclenché de manière artificielle, s’est transformé en cauchemar en 2010 : son utérus s’est déchiré et son fils Timéo en est resté lourdement handicapé. Elle a dû batailler pour accéder à son dossier médical et comprendre qu’on lui avait administré à son insu du Cytotec, un médicament détourné de son usage, pour déclencher les contractions.
Leur condition de femme a-t-elle joué en leur défaveur ? Aucune étude ne le prouve, mais des travaux montrent que lorsque les femmes se plaignent de douleurs, par exemple, leur ressenti serait moins bien pris en compte que celui des hommes. Les médecins leur prescriraient moins d’anti-douleurs et plus de calmants : « C’est dans la tête. Autre point commun : ces femmes ont persisté et alerté autorités sanitaires et journalistes. L’affaire a alors éclaté dans les médias. « Elles ont porté l’alerte dans la durée », continue l’auteur. Pour une femme comme Pamela Solère, 82 ans, victime avec sa fille du Distilbène, le combat se transmet même de génération en génération. « Toutes ont fait bouger les choses pour nous tous, femmes et hommes. »
Les Résistantes, de Florence Méréo (HarperCollins, 2019). Ces douze femmes âgées de 32 à 82 ans ont été victimes d’un médicament ou d’un dispositif médical. Elles racontent leur combat et partagent leur expérience de lanceuse et de porteuse d’alerte dans ce recueil passionnant.