France 3 Occitanie
Mère de deux enfants nés handicapés suite à la prise du médicament antiépileptique pendant ses grossesses, elle incarne depuis dix ans la lutte des victimes dans l’affaire. Le 15 décembre, un jugement du tribunal judiciaire de Paris doit être rendu.
D’une timide maman à une combattante déterminée. Au fil des années depuis dix ans, Marine Martin est devenue experte médicale et spécialiste du droit français. Une lutte avec ses victoires, mais aussi ses déceptions.
Très clairement j’en ai bavé, Sanofi essaie par tous les moyens de faire arrêter mes procédures. Je suis devenue patiente experte à l’agence du médicament et ils ont tenté de me virer de ce poste. Ils essaient par des moyens de pression de faire que j’arrête les procédures en cours contre eux car ils savent que je suis le fer de lance de toute cette action et que je motive les familles. – Marine Martin
“Je leur reproche d’avoir tué des enfants.”
Il s’agit de la première mise en cause d’un antiépileptique, commercialisé par le laboratoire Sanofi. “Je reproche à Sanofi de ne pas avoir informé de la toxicité de son médicament. La Dépakine est très efficace pour soigner l’épilepsie, oui, mais l’information a été cachée, c’est de l’ordre de la tromperie. Aujourd’hui, des dizaines de milliers d’enfants sont handicapés, autistes, ont des malformations… C’est un drame humain gigantesque”, déclare Marine. D’autant plus que l’épilepsie est une maladie très répandue.
Depuis cinquante ans que le médicament est prescrit, il y a de très nombreuses victimes qui sont dépendantes à vie. Et ça, c’est très culpabilisant pour les parents : non seulement nous avons empoisonné nos enfants mais en plus nous ne les verrons jamais accéder à l’autonomie, avoir un travail… Je leur reproche d’avoir tué des enfants. – Marine Martin
L’APESAC – Association des parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant – dont elle est à la tête, a regroupé 3 272 familles. Autant de parents suspendus à un jugement capital qui doit être rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 15 décembre prochain.
“Nous avons obtenu le changement des conditions de prescription : aujourd’hui, c’est interdit chez la femme enceinte »
En 2020, le tribunal administratif n’avait reconnu les troubles autistiques qu’à partir de 2005. “C’est 80% des victimes qui ne peuvent pas être indemnisées par l’Etat. Dix ans de combat pour un très faible pourcentage de victimes indemnisées, c’est difficile psychologiquement.” Des indemnités d’un montant allant de 20 000 à 157 000 euros par enfant. Pour Marine, ce n’est pas suffisant. Elle craint que certaines victimes, les plus âgées notamment, ne soient pas indemnisées correctement : “Je suis en colère car me dire que je vais devoir annoncer tout ça aux familles, j’ai peur car je sais qu’elles vont être très en colère, elles vont avoir l’impression d’être spoliées”.
Il s’agit de la première mise en cause d’un antiépileptique, commercialisé par le laboratoire Sanofi. • © ANTHONY PICORE / MAXPPP
Pris par des milliers de femmes enceintes, Marine a estimé le nombre de victimes à 50 000. L’agence nationale de sécurité du médicament, elle, en a confirmé 30 000.
C’est un médicament sur le marché depuis cinquante ans et qu’à l’époque on ne répertoriait pas, nous ne pouvons avoir qu’une estimation. 30 à 40% des enfants exposés in utéro à la Dépakine souffrent de troubles autistiques. On se demande pourquoi l’autisme augmente en France mais il faudrait peut-être arrêter de donner aux femmes enceintes des médicaments toxiques. – Marine Martin
La décision rendue le 15 décembre ne sera pas la fin du combat. “C’est presque le début d’une nouvelle aire », sourit Marine. « L’enjeu de ce délibéré, c’est surtout de savoir à partir de quand on savait que la Dépakine engendrait de l’autisme chez les enfants exposés in utero. La décision est forte et je ne doute pas que si nous gagnons, Sanofi contestera cette décision comme ils le font toujours. Mais je ne lâcherai rien. Je les ferai condamner que ce soit au civil ou au pénal, j’utiliserai tous les moyens possibles pour faire reconnaître le préjudice qu’ils ont fait subir à nos enfants”.