Le Quotidien du Médecin
Il y aurait un effet transgénérationnel du valproate de sodium (Dépakine), avance l’Apesac (Aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant), à l’aune d’une petite étude que l’association publie dans « Birth Defects Research », tout en réclamant des fonds pour financer de plus vastes cohortes de pharmaco-épidémiologie.
À l’origine de cette étude, se trouve la lassitude de Marine Martin, fondatrice de l’Apesac, qui demande depuis des années au gouvernement des études sur l’effet transgénérationnel de l’antiépileptique. Environ un nouveau-né sur 10 exposés à la Dépakine (ou ses dérivés) présente une malformation congénitale, et 3 à 4 enfants sur 10 seraient atteints de troubles du développement. « Au fil des années de recueil d’informations, Marine Martin s’est aperçue que les petits-enfants Dépakine présentaient à leur tour des symptômes similaires à la génération exposée », lit-on dans un communiqué de l’Apesac.
Faute d’un soutien institutionnel (« un mépris insupportable pour les victimes », dénonce-t-elle), Marine Martin a soumis ses données à l’expertise de Catherine Hill, épidémiologiste à Gustave-Roussy, ainsi qu’à trois autres professionnels*.
23 % de malformations, 44 % de troubles du neurodéveloppement
Quelque 108 membres de l’Apesac (85 femmes et 23 hommes), nés entre 1971 et 1999 après avoir été exposés in utero au valproate, et présentant des complications, ont été interrogés entre avril 2017 et avril 2020 sur la santé de leurs propres enfants.
Parmi ces 187 enfants (eux non exposés), 43 (23 %) présentent des malformations (main, pieds, cœur, rein, spina bifida, fentes labiales et palatines, etc.) et 82 (44 %) ont des troubles du neurodéveloppement (autisme, désordres psychomoteurs, problèmes de langage, déficit de l’attention, retard mental). Certains souffrent à la fois de malformations et de troubles du neurodéveloppement. Seulement 88 (47 %) n’ont aucun problème.
Poursuivre les recherches
Au passage, est souligné le faible taux de parentalité (2,4 %) chez les individus exposés in utero au valproate, ce qui mérite de plus amples investigations, bien que plusieurs hypothèses soient sur la table (poids du handicap sur la vie sexuelle, jeune âge, choix de n’avoir pas d’enfant, etc.).
Les auteurs soulignent les limites de l’étude : celle-ci ne prend en compte que des parents souffrant de troubles sévères, sans explorer la santé des enfants dont les parents n’ont pas de complications sévères après exposition in utero au valproate. En outre, elle repose sur des déclarations des familles, et non sur des diagnostics médicaux.
C’est pourquoi ils concluent sur la nécessité de mener des études plus vastes sur l’impact transgénérationnel de la Dépakine. En attendant, l’Apesac invite à informer les individus exposés au valproate afin qu’ils réfléchissent à leur fertilité, à d’éventuels diagnostics prénatals et à un suivi précoce.
* Susan Bewley professeur émérite d’obstétrique et de santé des femmes au King’s College de Londres, Alastair H. Maclennan directeur du groupe de recherche sur la paralysie cérébrale, à l’université d’Adelaide, et le Dr Alain Braillon, à Amiens.