Le Monde, 3 Août 2020
D’importantes garanties financières pour l’indemnisation des victimes ont été réclamées au laboratoire français, qui était déjà poursuivi pour tromperie et blessures involontaires.
Le scandale de la Dépakine franchit une nouvelle étape judiciaire : le groupe pharmaceutique Sanofi Aventis France, déjà poursuivi depuis février pour « blessures involontaires » et « tromperie aggravée », a été mis en examen pour « homicides involontaires » lundi 20 juillet, a-t-on appris samedi 1er août. De nouvelles plaintes et une expertise judiciaire sur le médicament ont conduit les juges d’instruction à ordonner cette mise en examen supplétive.
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L’information judiciaire vise désormais à déterminer si le laboratoire français peut être tenu pour responsable de la mort, en 1990, 1996, 2011 et 2014, de quatre bébés âgés de quelques semaines ou quelques mois. Quatre enfants dont les mères, au cours de leur grossesse, avaient pris de la Dépakine, un antiépileptique commercialisé depuis 1967 et dont l’effet sur le fœtus provoque des malformations et des troubles neurodéveloppementaux (autisme, atteinte du QI, etc.).
« Il n’est pas contestable que le lien entre la prise [de Dépakine] et les dommages constatés chez les très jeunes victimes est scientifiquement établi », estiment les juges d’instruction dans leur ordonnance de placement sous contrôle judiciaire, que Le Monde a pu consulter. Sanofi est soupçonné d’avoir failli « en ne tirant pas toutes les conséquences de la connaissance de la toxicité [de la Dépakine] à l’égard de l’embryon », toxicité documentée depuis les années 1980.
Le laboratoire conteste sa mise en examen
Ainsi, le laboratoire se voit reprocher d’avoir « poursuivi la commercialisation » du médicament malgré les risques connus pour les patients, d’avoir « informé tardivement et incomplètement les autorités compétentes » sur ces risques, et « fourni tardivement, incomplètement, approximativement et de manière excessivement rassurante aux consommateurs les informations utiles qui leur permettent d’évaluer les risques et de s’en prémunir alors que ces risques n’étaient pas immédiatement ou complètement perceptibles sans un avertissement adéquat ».
« L’information des prescripteurs et des patientes a été limitée au strict minimum pendant trente ans (1986-2016) », écrivent dans leur rapport les trois experts judiciaires, selon lesquels rien n’indique que Sanofi ait été « proactif, tant au niveau de la recherche que de la communication. Au contraire, la firme a cherché à circonscrire les risques commerciaux potentiels ».
Contacté par Le Monde, Sanofi indique avoir « saisi la chambre de l’instruction afin de contester sa mise en examen » et rappelle que celle-ci « ne préjuge en rien de la responsabilité du laboratoire », lequel a « respecté ses obligations d’information et conteste le bien-fondé de ces poursuites ».