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L’Etat vient d’être condamné par le tribunal administratif pour la non-scolarisation d’un élève autiste, dont le handicap est dû à la prise de Dépakine par sa mère, pendant la grossesse.
Comment un « père courage », avec la Constitution en bouclier, peut tordre le bras à l’Éducation nationale. Franck Latreille vient de faire condamner l’Etat pour avoir tardé à mettre une auxiliaire de vie scolaire (AVS) au côté de son petit garçon autiste. « L’éducation est un droit, même pour les enfants handicapés », se félicite-t-il. L’ingénieur se réjouit d’autant plus de cette décision rare qu’Erwann, né en 2008, subit « une double peine ». Le handicap de son fils n’est pas dû à un malheureux hasard mais à la prise de Dépakine par son épouse épileptique lorsqu’elle était enceinte. Commercialisé depuis 1967, le médicament du laboratoire Sanofi à base de valproate a provoqué des troubles du développement et des malformations graves dans des milliers de cas.
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En janvier 2015, lorsque Franck et Emmanuelle Latreille lancent la procédure, Erwann est consigné à la maison. La commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées de l’Essonne, où réside la famille, a bien accordé au garçon, alors en maternelle, un accompagnement par une AVS mais l’inspectrice de l’Education nationale traîne les pieds. « Les recrutements sont difficiles », argumente-t-elle. Alors que de nombreux parents d’enfants handicapés baissent les bras, les Latreille refusent la déscolarisation. « Malgré ses troubles du comportement, Erwann a des capacités d’apprentissage, explique le père. L’évincer de la classe, c’était risquer qu’il n’y retourne jamais. »
L’enfant retourne à l’école, l’Etat est condamné
Épaulés par Charles Joseph-Oudin, avocat en pointe dans les scandales du Mediator et de la Dépakine, Franck et Emmanuelle Latreille déposent une requête en urgence devant le juge des référés. Le tribunal administratif, au nom de « l’égal accès à l’instruction », donne quinze jours à l’académie de Versailles pour trouver une AVS sous peine d’amende. La perle rare est dégotée illico et, en février 2015, l’enfant peut retourner à l’école.
Si seulement notre victoire pouvait donner de l’espoir aux autres familles privées d’école
En parallèle, les parents engagent une deuxième manche pour faire condamner l’Etat. Dans son ordonnance du 9 novembre 2017, le tribunal administratif de Versailles rappelle que « le droit à l’éducation [est] garanti à chacun quelles que soient les différences de situation » et condamne l’Etat, coupable de « carence fautive », à verser près de 8.400 euros. « Si seulement notre victoire pouvait donner de l’espoir aux autres familles privées d’école », espère Franck Latreille.
Les Latreille n’en ont pas fini avec la justice. Soutenu par l’association Apesac et sa présidente Marine Martin, qui a initié il y a un an la première action de groupe en santé contre Sanofi, le couple a, lui, lancé une action au civil. Cette procédure est importante pour l’avenir d’Erwann, « qui progresse tous les jours et à son rythme » selon son père, mais aussi pour celui de sa jumelle Azénor. Des examens médicaux très poussés pratiqués en Belgique viennent de révéler que la fillette, dont la lenteur à l’école inquiétait, est elle aussi lourdement touchée.
Anne Laure Barret
Source: http://www.lejdd.fr/societe/double-peine-dun-enfant-depakine-letat-condamne-3496619