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Le scandale de la Dépakine est aujourd’hui bien connu. L’affaire a été portée devant les tribunaux et un fonds d’indemnisation a été créé. Mais les mères épileptiques ne sont pas les seules victimes de l’acide valproïque. Presque autant de patientes bipolaires ont été traitées avec Dépakote®, un médicament dans lequel on retrouve la même molécule, avec les mêmes effets secondaires et les mêmes risques sur le foetus.
Aouatef conserve précieusement tout ce qu’il lui reste de son fils dans une boîte à souvenirs. A sa naissance en avril 2014, Raphaël souffrait d’un spina bifida. « On m’a dit qu’il avait un problème de colonne vertébrale, que son dos était ouvert qu’on n’était pas sûr qu’il survive et qu’il fallait que je me fasse à l’idée qu’il ne survivrait sûrement pas. C’était très difficile d’imaginer une vie décente parce qu’il avait tellement de malformations », explique la maman de Raphaël.
Le 15 juin 2014, Raphaël rend son dernier souffle dans les bras de sa mère après seulement deux mois et neuf jours d’existence. Aouatef commence tout juste à comprendre que son traitement par Dépakote® (à bas d’acide valproïque), qu’elle prend alors depuis des années pour sa bipolarité, pourrait être responsable de la maladie de son fils.
« Le médecin en charge de Raphaël m’a dit que le médicament Dépakote® que j’avais pris pendant la grossesse, ne sachant pas que j’étais enceinte de Raphaël, n’était pas étranger au spina bifida de mon fils. Quand on m’a prescrit pour la première fois Dépakote®, je parlais déjà de mon projet de grossesse et à aucun moment on ne m’a mise en garde contre un quelconque effet secondaire, rien du tout. »
Pourtant, les risques de malformations comme le spina bifida sont connus depuis le milieu des années 1980. Mais visiblement, une partie de la communauté médicale a du mal à se mettre à jour au sujet des effets secondaires de l’acide valproïque et notamment les psychiatres, comme le révèle un audit de l’AP-HP entre 2014 et 2016. Alors que les prescriptions d’acide valproïque chute de 16,6 % du côté des neurologues, elles ne baissent que de 9,4% chez les psychiatres.
Pour faire passer le message, l’Agence nationale de sécurité du médicament a mis en place ces derniers mois toute une série de documents : « On a développé une brochure, destinée aux patientes, qui explique les risques, un accord de soin qui doit être signé par le médecin et par la patiente et un document équivalent qui informe le prescripteur des risques », précise Dominique Martin, directeur général.
Aujourd’hui encore, pour Marine Martin, celle par qui le scandale de la Dépakine est arrivé, trop de patientes bipolaires ignorent les risques qu’elles ont fait courir à leur bébé avec un traitement par Dépakote® : « Je ne vois pas chez ces femmes qui sont déjà malades l’intérêt de continuer à s’acharner avec ces médicaments. On s’aperçoit que la vente de ces médicaments a légèrement baissé, mais ils restent quand même dans le top trois des médicaments les plus prescrits que ce soit pour l’épilepsie ou la bipolarité. »
Avec son avocat, Marine Martin prépare une « Class Action », une plainte collective contre le laboratoire Sanofi. Son association l’Apesac portera la voix de toutes les victimes de traitements par Dépakine® ou Dépakote®, mais sur environ 2.000 dossiers, une quinzaine seulement concerne des plaignantes bipolaires. Pour son avocat, Maître Charles Joseph-Oudin, la situation reste alarmante : « Il y a encore des femmes enceintes exposées à la prescription de médicaments contenant de l’acide valproïque. Quelque soient leurs noms commerciaux ce n’est aujourd’hui pas admissible. »
En attendant le procès, l’Apesac a remporté une première victoire. Depuis le 1er mars 2017, un logo indique clairement sur toutes les boites de Dépakote® et Dépakine® que l’acide valproïque est dangereux en cas de grossesse.