Le Parisien
L’Assemblée nationale a donné, mardi soir, son feu vert, à l’unanimité, à la création du fonds d’indemnisation pour les victimes de l’antiépileptique Dépakine. Entre 2007 et 2014, selon une étude publiée au mois d’août par les autorités médicales, 14 322 femmes ont été exposées à ce médicament.
Or, cet antiépileptique présente des risques élevés pour la santé du foetus lorsque la future maman est traitée avec ce médicament. Selon les autorités de santé, il présente un risque élevé – de l’ordre de 10% – de malformations congénitales principalement sur le cœur, les reins, les membres, la colonne vertébrale (spina bifida) et incluent des becs de lièvre…
Risques de malformations connus depuis les années 1980
De plus, les enfants exposés in utero à ce médicament ont également un risque nettement accru – de l’ordre de 30 à 40% – de présenter des retards de développement et de souffrir d’autisme. Les retards concernent principalement l’acquisition de la parole et de la marche, des capacités verbales et intellectuelles diminuées ainsi que des troubles de mémoire… Selon plusieurs études, le quotient intellectuel mesuré chez des enfants d’âge scolaire exposés in utero à la Dépakine au valproate serait en moyenne de 7 à 10 points inférieur à celui des enfants exposés à d’autres antiépileptiques.
Les risques de malformations étaient connus depuis les années 1980 et les risques pour les troubles neuro-développementaux ont émergé progressivement à partir de la fin des années 1990. Mais il a fallu attendre 2006 pour que le médicament indispensable chez certains patients ne répondant pas aux autres antiépileptiques, soit déconseillé en cas de grossesse.
«Le manque de réactivité» de Sanofi et de l’Agence du médicament ANSM a été pointé du doigt, dès février dernier, par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) tandis que l’Apesac (l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant), qui alerte depuis 2011 sur les dangers du valproate, n’hésite pas à parler de «scandale d’État». Au total, cette association a rassemblé plus d’un millier de dossiers dont une vingtaine sont devant la justice.
10 millions d’euros pour la première année
Ce fonds, dont la création avait été annoncée en août par le gouvernement, «a pour objet d’instituer un dispositif d’indemnisation des dommages imputables au valproate de sodium», la substance active de la Dépakine «et à ses dérivés» sera doté pour la première année de 10 millions d’euros. «L’État prend ses responsabilités pour réparer les conséquences du passé», s’est félicitée Marisol Touraine, la ministre de la Santé en reconnaissant des lacunes sur le défaut d’information des patientes sur le danger du médicament.
«Toute personne s’estimant victime d’un préjudice à raison d’une ou plusieurs malformations ou de troubles du développement imputables à la prescription avant le 31 décembre 2015 peut saisir l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam)», précisent les députés.
Un comité d’expert sera ensuite chargé de statuer sur «l’imputabilité» des dommages, et, le cas échéant, transmettra le dossier au comité d’indemnisation. Celui-ci sera alors chargé notamment de se prononcer «sur la responsabilité des professionnels ou établissements de santé, de l’exploitant ou de l’État au titre de ses pouvoirs de sécurité sanitaire, dans un délai de trois mois». Les personnes ou entités dont la responsabilité est reconnue ayant alors un mois pour faire une offre d’indemnisation. En cas d’offre insuffisante ou en l’absence d’offre, l’Oniam indemnisera directement les victimes puis se retournera devant le ou les responsables.
«Un amendement qui ne préjuge en rien des responsabilités»
Après ce vote, Sanofi qui a commercialisé depuis 1967 le valproate de sodium sous la marque Dépakine mais aussi sous des marques génériques a indiqué, dans un communiqué, être «prêt à répondre aux demandes d’expertises médicales qui seraient organisées dans le cadre de ce dispositif.» Toutefois, le laboratoire souligne que cet amendement adopté «ne préjuge en rien des responsabilités des différents acteurs qui pourraient être concernés» tout en se disant «conscient des difficultés des familles concernées par ces situations.»
Dans un communiqué, l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac) s’est félicitée du dispositif qui «apparaît conforme» aux principales requêtes de la présidente de l’association Marine Martin, selon qui «l’indemnisation doit être versée en premier lieu par le laboratoire qui reste le principal responsable». Elle est cependant «réservée sur la possibilité d’une indemnisation par l’État en cas de refus de Sanofi-Aventis France.»
Source: Le Parisien