Liberation
Des victimes de l’antiépileptique Dépakine, à l’origine de malformations du fœtus lorsqu’il est pris pendant la grossesse, ont annoncé ce mardi matin avoir lancé une action de groupe contre le laboratoire Sanofi.
C’est inédit : «Nous avons lancé la première phase de l’action de groupe en écrivant une lettre au groupe Sanofi pour lui demander d’accepter sa responsabilité et d’indemniser les victimes», a expliqué ce mardi matin Marine Martin qui préside l’association Aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac).
En cause, la Dépakine et les autres médicaments à base de valproate de sodium. Prescrit pour l’épilepsie, mais aussi pour les troubles de l’humeur, ce médicament s’est révélé d’une extrême dangerosité pour la femme enceinte, provoquant de graves séquelles sur le fœtus, aussi bien physiques que neuro-comportementales. Au total, certaines études évaluent à plus de 3 000 le nombre d’enfants touchés.
C’est un drame unique par son ampleur, mais aussi différent des autres scandales sanitaires car le valproate de sodium est un médicament efficace et aux effets secondaires limités quand il n’est pas prescrit à une femme enceinte. Mais voilà, pendant une dizaine d’années, alors que s’accumulaient des travaux pointant les dangers chez la femme enceinte, Sanofi, comme les autorités sanitaires, sont restés plutôt discrets dans les mesures de précaution d’emploi. Ensuite, quand les dangers ont été largement découverts, ce sont les médecins prescripteurs, comme les pharmaciens, qui n’ont pas été très vigilants, omettant de signaler les risques à leurs patientes. D’où le fait que jusqu’à très récemment, des femmes en âge de procréer ont continué à en recevoir. Et c’est grâce à l’obstination et à la volonté de Marine Martin et de l’association qu’elle a créée que cette affaire a pu éclater au grand jour.
«Tromperie aggravée»
Le ministère de la Santé a lancé une enquête de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) qui a pointé des dysfonctionnements à plusieurs niveaux. Et, le mois dernier, Marisol Touraine a fait voter la création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes. «Mais ce fonds n’a pas encore vu le jour, on va travailler en janvier sur les décrets. Et en plus il ne pointe pas la responsabilité du laboratoire, poursuit Marine Martin. Avec cette procédure de class-action, nous attaquons directement Sanofi.»
Cette possibilité d’action collective en matière de santé est une première en France. Elle a été rendue possible par la loi «santé» de Marisol Touraine en 2015. «Quinze familles se sont regroupées», a expliqué Charles Oudin, avocat de l’association Apesac. Comme le veut la procédure, une lettre pointant la responsabilité du laboratoire Sanofi lui a été adressée. «Si dans quatre mois, la réponse qui nous a été faite ne nous satisfait pas, alors on déposera une plainte au tribunal.» Ce processus a été voulu par le législateur pour faciliter un éventuel règlement à l’amiable.
De fait, Sanofi ne devrait pas modifier sa position, ayant toujours répété qu’il avait alerté à chaque fois qu’il le devait les autorités sanitaires, et en particulier l’Agence nationale de sécurité du médicament. «C’est faux, a répondu ce mardi matin Marine Martin, il y a eu une volonté de cacher les informations et les signaux de pharmacovigilance.» Cette action de groupe vient s’ajouter à la vingtaine de poursuites individuelles déjà engagées contre Sanofi. Le parquet de Paris avait pour sa part ouvert une information judiciaire pour «blessures involontaires» et «tromperie aggravée» en septembre. «Nous travaillons aussi sur les autres antiépileptiques, a ajouté Marine Martin, certains peuvent avoir aussi des effets secondaires graves sur le fœtus.»