la semaine du roussillon
Suite à l’action en justice d’une habitante de Pollestres, le scandale « Dépakine », ce médicament qui induit troubles et malformations sur les enfants à naître, est sur le point de retentir au niveau national, à la manière du Médiator.
Marine Martin prend du Dépakine, du laboratoire Sanofi, depuis l’enfance pour soigner son épilepsie. S’inquiétant de possibles effets secondaires, elle consulte gynécologue, neurologue et généraliste lorsqu’elle prévoit un enfant. Le seul risque mentionné, est celui d’une malformation sur la colonne vertébrale, qui représenterait 1% des cas et pour lequel on lui conseille seulement de prendre de l’acide folique. En 2002, son fils naît non seulement avec une malformation des membres, mais aussi avec des troubles autistiques qui vont se confirmer quand il grandit. Sa fille, née en 1999, présenterait aussi des troubles, quoique moins marqués. Cherchant l’origine du handicap, Marine Martin se souvient d’un article sur les enfants d’agriculteurs exposés aux pesticides, présentant les mêmes symptômes. « Sauf que je n’ai pas été exposée aux pesticides ». C’est alors qu’elle commence à s’interroger sur le Dépakine et découvre des publications scientifiques évoquant des effets « tératogènes » de la molécule, connus depuis les années 1980. Les fœtus touchés auraient 10 % de chances de présenter des malformations et 40 % de chances d’avoir des troubles neurologiques. « J’ai appelé mon mari, en pleurs. J’ai dit « ça y est, j’ai trouvé » ». se souvient Marine Martin.
40 % des enfants victimes de troubles neurologiques
Et pourtant, aucune contre-indication pour les femmes enceintes n’est mentionnée sur la notice du médicament. Seule indication : « consultez votre médecin ». Démarre alors le combat d’une vie. Selon Marine Martin 50 000 à 70 000 personnes pourrait être victimes en France. « Le Dépakine est le médicament contre l’épilepsie le plus donné, car il couvre le spectre le plus large ». La molécule existe aussi dans des médicaments du même laboratoire, prescrits pour les troubles bipolaires. Marine découvre une association de victimes en Angleterre, avec qui elle échange, puis crée sa propre association, l’APESAC. « Je ne suis pas pour interdire le Dépakine. On peut mourir de l’épilepsie ». En revanche, elle milite pour une indication précise des risques pour la grossesse et une reconnaissance des responsabilités. Très vite des centaines de familles rejoignent l’association, mais elle fait face aux lobbies et aux conflits d’intérêt. Des généticiens auraient refusé de diagnostiquer les troubles en lien avec le médicament, de peur, de leurs propre aveu, de perdre les projets de recherche financés par Sanofi. Des neurologues continuent de donner des conférences sur l’épilepsie sans évoquer tous les risques de Dépakine. L’association Epilepsie France n’aurait rien dit du danger et distribuerait des flyers édités avec le soutien de Sanofi. « Pendant tout ce temps, Dépakine continue d’être prescrit aux femmes enceintes ». Ce n’est que lorsque la presse s’empare de l’affaire que, en 2013, Marine obtient une réévaluation au niveau Européen du rapport bénéfice / risque du médicament qui débouchera sur une nouvelle notice qui met enfin en garde les femmes enceintes. Notice qui ne serait à ce jour pas encore introduite dans tous les pays européens, et encore moins ailleurs dans le monde…
Qui va payer pour les indemnisations ?
Mais Marine Martin ne compte pas s’arrêter là et porte plainte contre X au pénal, entre autres pour tromperie aggravée et mise en danger de la vie d’autrui. Une enquête de l’IGAS pointe l’inertie de l’Etat – qui a autorisé la mise sur le marché via l’ANSM, l’agence nationale du médicament – et du laboratoire Sanofi. Puis les données tombent : entre 2007 et 2014, plus de 14 000 femmes traitées sous Dépakine seraient tombées enceintes en France. Seulement 8700 naissances viables sur ce nombre, essentiellement à cause des avortements. Le Figaro aurait avancé le chiffre de 6 milliards d’euros d’indemnisation, représentant le préjudice et les soins aux enfants. Quoi qu’il en soit, Marisol Touraine se serait engagée à une indemnisation, sans en avoir encore précisé le montant. Selon Marine Martin, Sanofi, bien que fabriquant du médicament, rejette la faute sur l’Etat et les médecins. Fin septembre 2016, la plainte est enfin instruite. « Ce n’est pas au contribuable de payer pour Sanofi » soutient Marine. Mais nous n’en sommes qu’au début du scandale, et tous les acteurs pourraient être éclaboussés, jusqu’au généraliste qui n’a pas informé. Enfin, il manque encore des travaux de recherche, sur l’ensemble des molécules tératogènes pouvant impacter les enfants. Selon Marine Martin, on soupçonne par ailleurs la molécule du Dépakine de marquer l’enveloppe de l’ADN et d’avoir des effets qui pourraient sauter des générations. L’association dispose aujourd’hui de quatre salariés et poursuit la lutte. Elle regrette que le département des Pyrénées-Orientales n’ait proposé que 4000 euros de subvention, « par rapport à ce qu’ils donnent à l’USAP » alors que l’APESAC se bat au niveau national pour un enjeu de santé majeur. Affaire à suivre.
Source : la semaine du roussillon