le Parisien
« Il ne faut plus que cela puisse arriver »: père de jumeaux victimes de la Dépakine, Franck Latreille, dénonce le manque d’informations des familles et la passivité des médecins, du fabricant et des autorités face aux risques présentés par ce médicament.
Son fils Erwann et sa fille Azénor sont nés en novembre 2008 à la suite d’une fécondation in vitro (FIV) et d’une grossesse menée sous Dépakine, l’antiépileptique « qui convenait le mieux » à sa femme.
Commercialisée depuis 1967 en France, la Dépakine est aujourd’hui sur la sellette comme tous les médicaments à base de valproate de sodium, à cause d’un risque élevé – de l’ordre de 10% – de malformations congénitales mais également d’un risque accru d’autisme et de retards intellectuels et/ou de la marche, pouvant atteindre jusqu’à 40% des enfants exposés.
« Ce qui nous éc?ure le plus c’est le manque d’informations des familles » explique-t-il dans un témoignage à l’AFP.
Il en veut aux médecins « qui auraient du réagir dès 2006 », date à partir de laquelle l’utilisation du valproate de sodium est déconseillée pendant la grossesse.
Aucun d’entre eux, ni la neurologue qui traitait son épouse depuis l’âge de 21 ans, ni les autres médecins consultés, n’a évoqué les risques de la Dépakine.
« On a cherché sur internet après que mon fils ait été diagnostiqué comme souffrant de troubles du spectre autistique fin 2014 et on est tombé sur la Dépakine » raconte-t-il. Mais même à ce moment là, les médecins à qui il en parle continuent à dire qu’il n’y a pas de lien avéré.
Il en veut également « à toute la chaîne », le laboratoire Sanofi qui commercialise la Dépakine et « qui n’a pas fait remonter l’information » ainsi qu’à l’agence du médicament qui « aurait dû réagir plus vite ».
-‘le faciès Dépakine’-
Aujourd?hui âgé de 7 ans et demi, Erwann souffre de graves troubles du comportement (grosses colères, énervement, violences) qui ont nécessité la mise en place d’un accompagnement scolaire substantiel (25 heures par semaine, entièrement payé par la famille). « Il va rentrer au CE1 mais ne sait pas lire, il commence seulement à décrypter certaines choses grâce à l’orthophoniste ».
Né avec un pouce supplémentaire à la main droite, il a dû être opéré et éprouve aujourd’hui des difficultés à utiliser cette main.
Quant à sa fille Azénor « la moins atteinte », elle souffre surtout de retards de développement physique. « Elle a marché et parlé tard, elle a un tout petit poids et se fatigue très vite », explique M. Latreille. Pour l’instant heureusement, aucune difficulté majeure d’apprentissage n’a encore été détectée.
Lorsqu’il contacte l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac), il se rend vite compte que les symptômes observés sur ses enfants ne sont pas des cas isolés.
« Les enfants Dépakine ont tous un air de ressemblance. Nos enfants avaient clairement le faciès Dépakine, une lèvre supérieure fine, le nez épaté et un écartement entre les deux yeux plus grand que la normale », relève-t-il.
Pour obtenir le statut de victimes ainsi que des aides pour ses enfants, M. Latreille qui vit à Orsay (Essonne) a décidé de porter plainte contre X mais également d’engager une procédure civile devant le tribunal de grand instance (TGI) de Bobigny.
Il espère également que des centres de diagnostic et de suivi pourront être mis en place pour toutes les familles touchées dont beaucoup « ne sont pas encore répertoriées ».
« Nous ne demandons pas l’interdiction du médicament mais de pouvoir décider en toute connaissance de cause » ajoute-t-il.
Et si les choses étaient à refaire ? « Si on avait été au courant, on n’aurait probablement pas fait de FIV » (fécondation in vitro), reconnaît-il.
Source : Le parisien