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La molécule présente dans un antiépileptique de la marque Sanofi, la Dépakine, a été prise par 10 000 femmes enceintes entre 2007 et 2014 selon Le Canard enchaîné. Les risques de malformation pour les fœtus sont nombreux.
Ce mercredi, Le Canard enchaîné publie un article concernant une étude de l’Agence du médicament sur la Dépakine, un antiépileptique commercialisé par Sanofi. Le médicament aurait été consommé par plus de 10 000 femmes entre 2007 et 2014 avec des risques pour les fœtus.
Qu’est ce que la Dépakine ?
La Dépakine est un médicament prescrit contre l’épilepsie, mais aussi par certains psychiatres pour les personnes bipolaires. Il est commercialisé par le laboratoire Sanofi depuis 1967. La molécule contenue dans ce médicament est le valproate de sodium.
La Dépakine en bref• Crédits : VisActu
Quels sont les risques ?
Les risques sont nombreux pour les enfants à naître lorsque ce médicament est prescrit aux femmes enceintes. On parle de 10% de risques de malformations et de 30 à 40% de retards neuro-développementaux. Ces effets secondaires sont connus depuis les années 1980. Ils ont été notifiés dans le Vidal, la bible des médecins. Cependant, les patientes n’ont été informées que tardivement. C’est en 2010 qu’apparaît sur la notice le risque lié à une grossesse. L’inspection générale des affaires sociales (IGAS) estime que cette mise en garde aurait dû être faite depuis 2004 au vu de « l’accumulation des signaux ».
Que révèle l’étude de l’Agence du médicament ?
L’étude a été menée conjointement par l’Agence nationale de sécurité et du médicament (ANSM) et la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAMTS). Le Canard enchaîné révèle que 10 000 femmes ont pris de la Dépakine entre 2007 et 2014. Impossible de chiffrer combien d’enfants ont pu être touchés. L’Association d’Aide aux Parents d’Enfants souffrant du Syndrome de l’Anti-Convulsivant(APESAC) estime le nombre de victimes avérées à 2 426 et 401 morts et jusqu’à 70 000 victimes potentielles. En février dernier, l’IGAS faisait état de 450 malformations congénitales chez des enfants dont la mère s’était vu prescrire de la Dépakine entre 2006 et 2014.
Pourquoi le médicament n’a-t-il pas été retiré du marché ?
Pour interdire un médicament, on s’appuie sur la notion de balance « bénéfice / risque ». Le problème c’est que cette molécule est incontournable pour certaines patientes qui sont pharmaco-resistantes à d’autres molécules. Pour Me Martine Verdier, avocate de plusieurs plaignantes, c’est le système d’alerte qui n’a pas fonctionné.
« Pourquoi un laboratoire comme Sanofi, qui ne peut pas ignorer de quoi est faite la molécule du médicament, ne va pas évoquer les risques connus avec l’autorité de contrôle pour modifier la notice du médicament ? Il n’est pas question de cesser la commercialisation du médicament qui a des effets utiles, mais d’alerter le médecin quand il prescrit ce médicament, et d’éviter les risques connus notamment aux femmes enceintes. »
A défaut d’interdiction, l’agence européenne du médicament a rendu un arbitrage en 2014 pour que le valproate de sodium ne soit pas prescrit aux filles et femmes en âge de procréer « sauf en cas d’inefficacité ou d’intolérance aux alternatives médicamenteuses. »
En France, pour une primo prescription, seul un spécialiste peut prescrire ce médicament. La patiente doit signer un protocole de soins qui l’informe des risques et le pharmacien ne peut délivrer le médicament sans celui-ci. L »étiquetage des boîtes est d’ailleurs spécifique : un carré rouge sur lequel il est écrit : Dépakine + grossesse = risque. Les associations de victimes voudraient un pictogramme comme sur les bouteilles d’alcool, une femme enceinte de profil barré d’une croix.
Que fait la justice ?
Pour le moment, le Parquet de Paris a ouvert en octobre 2015 une enquête préliminaire sur les conditions d’autorisation et de commercialisation de ce médicament et de ses dérivés à base de valproate de sodium. Elle pourrait déboucher sur une information judiciaire avec un juge d’instruction nommé pour démontrer les éventuelles responsabilités de chacun. En attendant, le ministère de la santé a lancé une réflexion avec les familles pour créer un fonds d’indemnisation pour les victimes.
Certaines familles de victimes accusent des médecins de conflits d’intérêts. Lors de diagnostics, ils n’auraient pas établi le lien de causalité entre la maladie de l’enfant et le valproate de sodium, alors qu’ils étaient par ailleurs engagés dans des recherches avec Sanofi ou l’une de ses filiales. Des accusations déjà entrevues lors du scandale du Mediator. Selon l’avocat Antoine Béguin, c’est tout simplement parce que le monde des experts est trop restreint pour réaliser des études indépendantes.
Source : France Culture