La République Des Pyrénées
Reconnue pour son efficacité contre l’épilepsie, la Dépakine est au cœur d’un scandale sanitaire pour ses effets nocifs sur les fœtus. Or ce médicament pèse 45 emplois à Mourenx.
Depuis plusieurs semaines, « l’affaire » de la Dépakine défraie la chronique. Le gouvernement vient de reconnaître l’ampleur de ce nouveau scandale sanitaire. Plus de 14 000 femmes auraient été exposées entre 2007 et 2014 à ce médicament nocif pour le fœtus. Et cet antiépileptique a valu à des milliers d’entre elles d’accoucher d’enfants connaissant de graves troubles du développement ou des malformations. Notre région n’a pas été épargnée. Le scandale a pris une telle ampleur que la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a assuré mercredi que les victimes seraient indemnisées.
Alors que tous les regards sont tournés vers la Dépakine et ses effets, il se trouve que c’est à Mourenx, en toute discrétion, que la substance active de ce médicament, l’acide valproïque, est fabriquée. L’usine Sanofi Chimie, située sur la plateforme Sobegi, emploie environ 45 personnes. Comment l’établissement et ses employés vivent-ils le déferlement médiatique du moment ? Faut-il craindre une chute de la consommation du médicament, et donc de la production sur le bassin de Lacq ?
Sur le marché depuis 1967
La spécialité de Sanofi, ce sont les médicaments, pas la communication. Aucun responsable du groupe chimique n’a répondu à nos sollicitations. Néanmoins, nous avons pris l’avis autorisé de Pierre Béguerie, président régional de l’Ordre des pharmaciens. Il rappelle que la Dépakine « est l’un des rares médicaments efficaces contre les crises d’épilepsie et est difficilement substituable ». Chaque médicament est évalué par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). La Dépakine existe depuis 1967. Dès le début des années 1980, on connaît certains risques pour les bébés exposés in utero à l’acide valproïque. Dans les années 2000, les études s’affinent et on découvre les risques sur le développement des bébés exposés. En 2014 seulement, l’agence européenne du médicament (EMA) réévalue le rapport bénéfice/risque du médicament. Elle le maintient, tout en alertant sur les risques pour les femmes enceintes ou en âge de procréer.
Les pharmaciens vigilants
Sur ses boîtes, Sanofi précise également les risques encourus par les femmes en âge de procréer ou enceintes, tout du moins depuis 2014. Une étude, sortie cette année, menée par l’ANSM avec la Caisse nationale d’assurance-maladie, refait le parcours des patientes dans les années 2007-2015. Au premier trimestre 2016, il y avait encore 51 512 femmes en âge de procréer exposées au risque.
« Le rapport bénéfice/risque est pesé mais on n’avait pas assez d’antériorité pour mesurer tous les risques », explique Pierre Béguerie. « Depuis 2014, les pharmaciens ne peuvent délivrer ce médicament qu’après avoir vérifié que la personne n’est pas enceinte ou en capacité de procréer. Les patients ne comprennent pas toujours mais nous avons le devoir d’être stricts », rappelle-t-il. Et d’insister sur l’importance de se faire délivrer les médicaments par un pharmacien !
En attendant, d’après l’analyse des spécialistes, la substance elle-même n’est pas remise en cause. C’est son usage qu’il faut encadrer. A priori donc, Sanofi Chimie, à Mourenx, peut continuer à produire.
« On a gagné une bataille, pas la guerre »
Dans un précédent article, nous relations le combat d’une famille landaise, les Orti, qui accuse la Dépakine d’être responsable du handicap de leur fils. La mère, Nathalie, a réagi aux annonces gouvernementales : « Tout d’abord, je suis contente que le dossier avance, que les méfaits de l’acide valproïque soient reconnus. Mais je dois avouer que ce chiffre, 14 000 femmes exposées entre 2007 et 2014 seulement, me fait peur. Surtout que, depuis 2006, le produit était moins utilisé. Alors combien de femmes ont-elles été touchées depuis qu’il a été mis sur le marché [Ndlr : en 1967] ? Je suis par contre révoltée par l’attitude de Sanofi. Alors que l’État, qui a eu un défaut de vigilance, reconnaît ses torts et envisage de créer un fonds d’indemnisation qu’il approvisionnera, le premier responsable, Sanofi, ne fait rien. C’est du mépris pour les victimes. Tant que l’entreprise ne mettra pas la main à la poche, c’est comme si elle niait sa responsabilité. Bref, il faut continuer à se battre. On a gagné une bataille, pas la guerre. »
Source : la République des Pyrénees