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DÉPAKINE: UN SCANDALE À RETARDEMENT

Le Figaro – Par  

Une mère découvre 17 ans après que la maladie de son files était due au valproate. Le médecin le lui avait caché.

Quand Lionel * arrive au monde en août 1995, il a, selon le compte rendu d’hospitalisation, le «visage évocateur du syndrome de valproate». Sa mère a pris jusqu’en 2010 ce médicament prescrit aux épileptiques et aux bipolaires, connu sous le nom de Dépakine, commercialisé en France par Sanofi depuis les années 1960. Or il est tératogène, c’est-à-dire que, pris par les femmes enceintes, il peut entraîner de graves malformations chez le fœtus.

Dans ce même compte rendu consulté par Le Figaro, il est noté que le bébé présente une «position des mains en col de cygne», l’une des déformations typiques liées au valproate. La maternité normande indique comme «points à surveiller: acquisitions neuromotrices». Ce sont les trois dernières lignes qui posent problème: «Ce document est confidentiel. Il ne doit pas être remis aux parents. Il contient des termes médicaux qu’il faut expliquer car des révélations inconsidérées peuvent nuire à l’enfant et sont contraires au bon respect du secret médical.» Rappelons que le secret médical n’est pas opposable au malade.

Dégâts des eaux et incendies

Martine*, la mère de Lionel, découvre ce document «confidentiel» en 2013. Son fils a alors 17 ans. Elle comprend enfin que les problèmes rencontrés depuis toutes ces années portent un nom: Dépakine. Et ils sont nombreux, les problèmes de Lionel: troubles du comportement nécessitant un suivi psychiatrique, faiblesse musculaire, souffle au cœur, etc. «C’est une liste sans fin, confie Martine. Mon fils ne s’est jamais déplacé à quatre pattes en raison d’une hypotonie musculaire du côté gauche. Il a marché à 19 mois. Aujourd’hui, alors qu’il a 20 ans, il s’exprime comme un enfant de 12 ans.» Lionel redouble sa dernière section de maternelle, son niveau ne lui permettant pas d’intégrer l’école primaire, puis il est orienté vers une CLIS (classe pour l’inclusion scolaire).

Pendant des années, Martine a consulté pour comprendre pourquoi son fils avait un comportement d’autiste. Psychiatre, psychologue, orthophoniste, neurologue… personne ne pense à la Dépakine. La mère prendra ce médicament jusqu’à ce qu’elle change de médecin. Quand elle demande à son ancien neurologue, qui l’avait suivie pendant sa grossesse, de lui transmettre son dossier médical, il lui répond qu’il ne peut le lui donner car son cabinet a subi un dégât des eaux. Quand elle lui écrit pour lui demander le dossier concernant sa grossesse, il a été cette fois victime d’un incendie. Avec la Dépakine comme avec le Mediator, beaucoup de cabinets médicaux ont connu des infortunes de ce type quand les patients ont réclamé leurs dossiers.

Contacté parLe Figaro, le pédiatre qui a signé le compte rendu d’hospitalisation «confidentiel» se défend et fait valoir qu’il s’agissait «d’un courrier type». Selon lui, la pathologie de Lionel, détectée à la naissance, était une information importante car elle permettait de mettre en place des soins nécessaires. Si les parents n’en ont pas été informés, c’est, toujours selon lui, que «la maman n’est pas rentrée dans le système de soins avec les consultations postnatales». Le problème est que ce pédiatre a reçu Martine et son fils en consultation… dix fois entre la date de sa naissance et novembre 1998. Il ne leur a jamais transmis ce fameux compte-rendu, ne les a jamais informés de la pathologie dont souffrait Lionel, n’a jamais alerté la mère des dangers de la Dépakine en cas de seconde grossesse.

Prescription de dix ans

Cette histoire pose la question fondamentale de la prescription. Les parents apprennent généralement que leur enfant souffre du syndrome de valproate quand il arrive à l’école: l’apprentissage étant difficile, ils consultent des spécialistes. Parfois, la découverte se fait plus tard encore. La plupart n’étaient même pas au courant des dangers du médicament pris lors de la grossesse. Jusqu’en 2000, la notice à destination des patients indique qu’en cas de grossesse ou d’allaitement, il convient de consulter son médecin, mais elle n’évoque pas les risques encourus par le fœtus. Ce n’est qu’en 2006 qu’elle déconseille pour la première fois l’utilisation de la Dépakine chez la femme enceinte, sans pour autant mentionner les risques de malformation et de troubles du développement. Ils étaient pourtant connus dans la littérature scientifique depuis 1982 pour les premiers et 1994 pour les seconds.

Les familles font donc valoir un défaut d’information. Mais selon l’article 1386-16 du Code civil, «sauf faute du producteur, la responsabilité de celui-ci est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit même qui a causé le dommage à moins que, durant cette période, la victime n’ait engagé une action en justice». Sanofi utilise la prescription des dix ans dans les procédures actuellement engagées contre le laboratoire, mais la cour d’appel de Paris a validé il y a un an la tenue d’expertises pour des enfants nés il y a plus de dix ans.

En France, 80.000 femmes en âge de procréer prennent de la Dépakine.

* Les prénoms ont été modifiés.

Source : http://sante.lefigaro.fr/actualite/2015/06/09/23820-depakine-scandale-retardement

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