La Nouvelle République
Le médicament est-il à l’origine du handicap?
Un couple tourangeau soupçonne un traitement contre l’épilepsie d’être à l’origine des troubles de ses enfants.
Sur le bureau de Me Karine Dubois, avocate au barreau de Tours, repose un volumineux dossier. Un dossier douloureux et unique en France pour l’instant. Une famille, habitant la région d’Amboise, soupçonne un médicament contre l’épilepsie d’être à l’origine des graves troubles dont souffrent ses deux enfants.
« La maman est traitée depuis l’adolescence pour de l’épilepsie, explique l’avocate. Elle prend de la Dépakine Chrono 500 fabriquée par les laboratoires Sanofi. En 1998, elle a envisagé une première grossesse et a été suivie par un gynécologue et un neurologue à qui elle a posé la question de la compatibilité du traitement. Ceux-ci lui ont affirmé qu’il n’existait aucun danger. Au contraire, ils lui ont expliqué que l’arrêt du traitement lui ferait courir un danger. Ils connaissaient toutefois le risque de malformation cardiaque pour le foetus et lui ont prescrit un médicament afin de l’éviter. »
Hélas, le garçon né en 1999 a très rapidement montré un retard physique et mental.
En 2001, nouvelle grossesse suivie du même traitement aboutissant aux mêmes symptômes. Le deuxième fils souffre de troubles identiques à ceux de son frère que les spécialistes attribuent alors à la Dépakine.
Selon Me Karine Dubois, « il existe ainsi de nombreux cas dans le monde mais depuis les années 80, les médecins anglo-saxons étaient opposés à l’utilisation de la Dépakine par les femmes enceintes. Ils avaient déterminé que celle-ci pouvait entraîner chez le nouveau-né des troubles proches de l’autisme. »
La famille et l’avocate ont choisi la voie civile devant le tribunal de grande instance de Tours pour engager une action contre Sanofi, le laboratoire. « D’autres enfants présentent les mêmes troubles en France mais aucune autre action n’est engagée en justice. Une famille belge a déposé plainte dans son pays. Pour l’instant, des analyses et des expertises sont en cours afin d’évaluer si le handicap des enfants est lié au médicament ou s’il s’agit d’une maladie génétique. On observe toutefois ces dernières années dans le dictionnaire Vidal, utilisé par les médecins, une évolution de la définition de la Dépakine et des risques encourus. Il est tout de même assez incroyable que les médecins anglo-saxons aient été informés de ce problème il y a plus de vingt ans, et pas les médecins français. »
Le service communication de Sanofi n’a, lui, « aucun commentaire à faire sur ce dossier ».