Logo apesac
Rechercher

« J’ai déposé plainte pour homicide involontaire »

Bonjour Aouatef, racontez-moi votre histoire.

Bonjour. J’ai appris que j’étais enceinte presque par hasard, après être allée consulter mon médecin généraliste pour des vomissements persistants. Celui-ci a ajouté, au dernier moment, une demande de prise de sang, pour déceler une éventuelle grossesse. C’était en décembre 2013, j’ai alors appris que j’étais enceinte de 2 mois. J’avais été diagnostiquée pour des troubles bipolaires en 2012, et j’étais sous traitement au Depakote depuis.

Votre médecin vous avait-il averti des risques du traitement pendant la grossesse ?

Quand il a su que j’étais enceinte, mon médecin m’a dit par téléphone, de contacter ma psychiatre, mais sans me préciser pourquoi.

Celle-ci m’a alors demandé d’arrêter le Dépakote, et m’a prescrit un anti-dépresseur, sans me préciser pourquoi non plus.

Aucun professionnel de santé ne m’a avertie d’un quelconque risque. Pourtant en 2013, j’ai consulté une gynécologue pour un examen pré-conception, car je voulais avoir un enfant, et on ne m’a rien dit sur les risques encourus.

Comment s’est déroulée votre grossesse ? Avez-vous eu un suivi particulier ?

Ma grossesse a été très difficile. Je souffrais de vomissements incoercibles. Je faisais beaucoup d’hypoglycémies. J’ai eu un suivi particulier par un diabétologue.

J’étais enceinte de 6 mois quand je suis partie une semaine à Ibiza, en Espagne, avec l’accord de mon médecin traitant, pour aller voir des amis, et changer d’air. Là-bas, en 2 jours de temps, mon état s’était aggravé, et je n’arrivais plus à m’alimenter. Je sentais que quelque chose n’allait pas, et j’ai demandé à une amie de m’emmener aux urgences.

Au bout de quelques heures, on m’a transporté dans un service spécialisé en hélicoptère, à Palma de Majorque.

Puis tout s’est enchaîné, on m’a expliqué que mon bébé et moi nous allions mourir. J’ai fait une prééclampsie sévère. On m’a fait une césarienne d’urgence. Raphaël est né le 6 avril 2014.

Que s’est il  passé après votre accouchement ?

Lors de la délivrance, j’ai entendu l’obstétricien dire, effaré : « il a un spina bifida ».

De retour dans ma chambre, on m’a expliqué que Raphaël avait peu de chances de survivre. J’ai accouché à 27 semaines. Raphaël avait un retard de croissance, il pesait 715 grammes, et son dos était littéralement ouvert.

On m’a indiqué que s’il passait la nuit, une opération de fermeture de la plaie était possible, pour éviter une surinfection, mais que cela ne changerait pas le fait qu’il ait une absence d’innervation au niveau sacro-lombaire.

Nous sommes restés 6 semaines à Palma. Raphaël avait fait beaucoup de progrès. En Mai 2014, nous avons été rapatriés, à l’hôpital Jeanne de Flandres, à Lille.

Au bout d’une semaine, l’état de Raphaël s’était aggravé. On nous a dit à ce moment là que c’était un acharnement thérapeutique, que ses handicaps étaient si importants qu’il ne pourrait pas avoir une vie décente.

Il était sous assistance respiratoire, paraplégique, avait une malformation d’Arnold Chiari, etc… On nous a précisé qu’une décision collégiale avait été prise pour l’arrêt des soins.

Après quelques jours de réflexion, nous avons accepté, et nous avons décidé d’être aux côtés de Raphaël, jusqu’à son dernier soupir.

Il est mort dans mes bras, après 36 heures d’agonie, le 15 juin 2014.

Avez-vous eu des alertes lors de vos échographie ? (spina bifida ?)

On ne m’a pas prévenue lors des échographies d’un possible Spina Bifida, c’est pour cela que les médecins étaient stupéfaits à sa naissance.

Selon les médecins, quelles sont les raisons de la mort de votre enfant ?

L’ arrêt des soins en raison de ses lourds handicaps.

Avez-vous aujourd’hui la preuve que c’est le Dépakote qui a causé le décès ?

Oui, le rapport du comité d’experts de l’ONIAM le stipule.

Avez-vous entamé une procédure pour demander réparation ? Si oui, laquelle ?

J’ai entamé diverses procédures, dont celle de l’ONIAM et hier une plainte pour homicide involontaire dans le cadre de la procédure pénale.

Comment vivez-vous cette situation psychologiquement ? Etes-vous entourée ?  Quel est votre quotidien ?

Suite aux diverses pathologies dont souffrait Raphaël et à sa mort dans mes bras, cela n’a fait qu’aggraver ma propre maladie, c’est à dire ma dépression et mes angoisses.

Malgré tout j’ai voulu un autre enfant et je suis tombée enceinte rapidement. J’avais arrêté tout traitement puisque là je savais les risques encourus par mon bébé si je prenais du dépakote.

Mais quand ma fille est née, je ne me sentais pas à la hauteur pour m’occuper d’elle, alors qu’elle était pourtant en parfaite santé.

Je devais reprendre un traitement et tout le monde me conseillait de reprendre le depakote mais je ne voulais pas reprendre un médicament qui avait fait souffrir mon fils, et qui finalement l’avait mené à la mort.

Je suis entourée par le père de Raphaël, avec qui je ne vis plus, des amis, et quelques membres de ma famille.

Suite au décès de Raphaël en 2014, j’ai été en mi-temps thérapeutique de 2015 à 2018. Je suis en invalidité de 2ème catégorie depuis lors.

N’étant plus capable de travailler en milieu ordinaire et au contact permanent des autres, j’ai créé ma société de traduction au 01.06.2019. Je ne vis pas pour l’instant de cette activité.

Avez-vous entrepris d’autres démarches pour vous faire entendre ? (témoignage, événement…)

J’ai été contactée par divers médias ( radio, télévision ) en 2016 et 2017.

Magazine de la Santé sur France 5, France Bleue, la Voix Du Nord.  

   

Le mot de la fin ?

Je profite de chaque occasion, en France, ou lors de mes voyages à l’étranger, pour informer les gens, de l’aspect tératogène du valproate de sodium ainsi que des autres anti-convulsivants. Etant polyglotte, j’ai la chance de pouvoir m’adresser à beaucoup de personnes. 

Propos recueillis par Emilie DECHATRES

Adhésion & don

Vous souhaitez soutenir l’APESAC ?

Pour adhérer et/ou faire un don à l’association, cliquez sur le bouton ci-dessous.  

Articles à la une

Dépliant de l'APESAC

miniature depliantV2