Bonjour Pascal, Racontez-moi votre histoire :
C’était il y a 30 ans, avec Christine ma conjointe on voulait construire notre vie en Alsace. Quand elle m’a annoncé sa grossesse nous étions heureux. Christine était suivie à l’hôpital proche de chez nous. Malgré son épilepsie et sa prise de Dépakine, rien de particulier n’a été mis en place.
Quand avez-vous appris que votre bébé souffrait d’une *cardiopathie congénitale ?
Suite à un examen de contrôle en novembre 1989, ils se sont rendu compte que quelque chose n’allait pas au niveau du cœur de notre bébé. Le dossier a été transféré au CHU de Strasbourg, pour voir des spécialistes. Ma compagne a mené sa grossesse à terme, en sachant qu’à la naissance, notre petite fille risquait d’être opérée.
*Les cardiopathies congénitales sont des malformations du cœur survenant au cours de sa formation, pendant la vie intra-utérine.
A l’époque, les médecins ont-il fait le lien avec la prise de Dépakine de Christine et les problèmes de coeur de votre bébé ? Comment ont-ils justifié sa maladie?
Absolument pas, aucune recommandation ne nous a été donnée à cette époque. Aucune contre indication suite à son traitement pour ses crises d’épilepsies.
Ma petite fille Mélanie est née le 27 Février 1990, mais souffrait d’une grave malformation du cœur qui nécessitait une opération d’urgence à Paris.
Que s’est il passé après l’intervention ?
Peu de temps après son opération du coeur, nous étions dans l’ambulance sur le chemin du retour à la suite d’un contrôle à l’hôpital, mais Mélanie n’allait pas bien du tout.
Elle est morte dans les bras de sa mère, c’est un moment que je ne pourrais jamais oublier, c’était le 17 Juillet 1990.
Christine s’est laissé mourir de chagrin peu de temps après la mort de notre fille, le 21 Août 1990. J’ai tout perdu en l’espace de quelques mois.
Quand et comment avez-vous découvert le scandale de la Dépakine et le lien avec ce que vous aviez vécu ? Comment avez-vous connu l’APESAC ?
Un Jour en consultant santé magazine, il y avait un article qui parlait du scandale de la Dépakine, l’article parlait des malformations possibles, de cardiopathie, et que l’état reconnaissait sa responsabilité dans ce scandale. Ce jour-là, une petite voix au fond de moi me disait : « C’est de ça que ta petite fille Mélanie et morte »
Ce soir-là j’ai tapé Dépakine sur un moteur de recherche Google et je suis arrivé sur l’APESAC. Dans la douleur et l’incompréhension je vous ai envoyé un Email, dans l’espoir de m’être trompé et que cela n’avait rien à voir avec ma famille. J’ai découvert toute la vérité sur la Dépakine suite à nos échanges.
Qu’avez-vous fait suite à cette découverte ? Quelles démarches avez-vous entrepris ?
Je suis en train de constituer un dossier pour l’ONIAM, A ce jour j’ai demandé au hôpitaux et médecins de l’époque de me fournir les dossiers médicaux de ma petite fille et de ma conjointe.
Je suis toujours dans l’attente, avec peu d’espoir car cela date de 30 ans mais je ferai tout ce qui sera en mon pouvoir.
Cet été, Sanofi a été mis en examen pour « homicides involontaires ». Allez-vous aussi les poursuivre ?
J’avais commencé mes démarches à l’ONIAM seul, mais depuis cette annonce j’ai contacté le cabinet d’avocats Dante pour savoir si mon dossier pouvait être traité. Je dois leurs envoyer des documents que j’ai déjà, je veux attaquer le laboratoire SANOFI.
Je sais que ça ne les fera pas revenir, mais je leur dois bien ça à présent que je connais la vérité. Je ne pourrai plus me regarder en face si je ne le faisais pas.
Quel est votre ressenti aujourd’hui ?
Toutes ces découvertes sur le décès de ma petite fille ont ravivé des souvenirs et des instants de souffrance qui étaient enfouis au fond de moi depuis tellement d’années.
À présent, même si je ne réussis pas à le prouver par manque de documents administratifs, je reste convaincu de faire ce qu’il faut, pour leurs mémoires et pour qu’elles ne soient pas mortes pour rien.
Cela ne remplacera jamais le manque de leur présence, de voir grandir ma fille, d’une vie de famille qu’on m’a volé. C’est le sentiment que je garde au fond de moi à présent. Rien ne remplacera ce gâchis.
Un mot pour la fin ?
J’encourage toutes les victimes à se faire connaître, peu importe votre histoire même les papas peuvent faire les démarches. Il faut faire valoir nos droits, il faut que justice soit faite, même si votre histoire date de 20 ou 30 ans.
Pour condamner ce laboratoire, ils se permettent de jouer avec la vie des personnes, de détruire des familles.
Ils brassent des milliards, ils savent ce qu’ils font. Ils devaient savoir pour les malformations et pour le reste.
Moi je fais ça en la mémoire de Christine et Mélanie, afin qu’elles ne soient pas mortes pour rien et pour cela n’arrive plus jamais.
Propos recueillis par Emilie DECHATRES