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Scandale de la Dépakine. Marine Martin raconte son combat : « Les laboratoires et les médecins ont menti »

LA DEPECHE

Marine Martin, fondatrice et présidente de l’association APESAC, donne une conférence ce samedi 19 novembre à Toulouse. La lanceuse d’alerte racontera son combat dans le scandale sanitaire de la Dépakine, un antiépileptique pris par des milliers de femmes pendant leur grossesse et à l’origine de troubles neurologiques et physiques de leurs enfants.

Vous venez raconter votre combat à Toulouse, une ville importante à vos yeux ?

Oui, c’est à Toulouse que je suis née en 1972 et où j’ai grandi, dans le quartier de Lardenne, jusqu’à l’âge de 11 ans. Avec le déménagement de mes parents, j’ai perdu mon accent mais pas l’envie de revenir dans le Sud ! J’ai ensuite construit ma vie entre Montpellier, où j’ai accouché de mes deux enfants, en 1999 et 2002, et Perpignan. C’est aussi à Toulouse qu’a débuté le suivi de mon épilepsie et sa prise en charge.

Vous faites partie des milliers de patientes traitées par la Dépakine (valproate de sodium) et qui ignoraient les dangers de ce médicament…

Quand j’ai démarré le traitement contre l’épilepsie, en 1978, la Dépakine était le médicament antiépileptique le plus administré en France. Plus tard, au moment de mes grossesses, j’ai interrogé le neurologue, le gynécologue et le médecin généraliste sur les risques pour les fœtus, ils ont tous concentré leur attention sur les anomalies possibles de la colonne vertébrale. Mon fils est né avec une malformation au niveau de la verge, cela avait déjà été repéré dans les familles du milieu agricole, mais on m’a dit de ne pas m’inquiéter. À l’âge de parler, il ne parlait pas, à l’âge de tenir assis, il n’y arrivait pas… Ce n’était pas un retard mais un trouble. Je me suis également questionnée à la naissance de ma fille, son visage était différent ; c’était un faciès typique des enfants nés sous Dépakine mais je l’ignorais.

On estime que 30 000 enfants ont été exposés à la Dépakine en France

Comment avez-vous fait le lien avec la Dépakine ?

Un peu par hasard. C’était en 2009, je regardais un épisode de la série Dr House qui évoquait le diagnostic différentiel. J’ai repensé aux articles évoquant les malformations chez les agriculteurs… Je ne respirais pas des pesticides mais je prenais des médicaments. Lors d’une recherche croisée sur internet avec les termes  »médicaments dangereux » et  »grossesse » je tombe sur le site de recherche de l’Hôpital Trousseau sur les agents tératogènes. Tous les symptômes décrits correspondent à ceux de mon fils. Je me jette sur la boîte de Dépakine où je lis dans la notice un simple « consulter votre médecin ». Je suis sous le choc, je comprends qu’on m’a menti. Je trouve la trace, en Grande-Bretagne, d’une association de victimes qui existe depuis 1999. En 2011, je crée l’APESAC (Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant). En voyant Hélène Frachon dans son combat contre le Mediator, je contacte son avocat pour attaquer Sanofi et l’Etat français – qui n’a pas joué son rôle de gendarme du médicament. J’ai obtenu la mise en place d’un fond d’indemnisation pour les victimes et le positionnement d’un pictogramme d’alerte pour les femmes enceintes sur les boîtes de médicaments. J’ai également travaillé avec le député Gérard Bapt pour faire une action collective. En France, on estime que 30 000 enfants ont été exposés à la Dépakine pendant la grossesse de leur mère.

Vous avez réussi à faire bouger les lignes, êtes-vous satisfaite ? 

Je n’ai pas réussi à faire indemniser mes enfants, le combat est rude. Les procédures sont compliquées et Sanofi fait appel systématiquement. Pour mes enfants, je suis en procédure depuis 2012, la date de plaidoirie est fixée à juillet 2023… C’est très dur, l’Oniam (Office national d’indemnisation des accidents médicaux) n’est pas bienveillante avec les victimes, elle refuse de me faire une offre tant que je suis en procédure.

Comment poursuivez-vous le combat ? 

Je continue à informer sur les dangers de la Dépakine et les scandales sanitaires. Je rappelle qu’il ne faut pas hésiter à s’interroger sur les informations qu’on nous donne et qui sont toujours parcellaires. J’ai aujourd’hui un rôle de patiente experte sur la grossesse à l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament) car la Dépakine n’est pas le seul médicament dangereux. Je suis également trésorière de la Maison des lanceurs d’alerte.

En voulez-vous aux médecins, aux laboratoires ? 

Oui, toujours. La responsabilité est tripartite. Le laboratoire a menti volontairement, la Dépakine était un produit blockbuster. Les neurologues l’aimaient beaucoup car la molécule fonctionnait pour un grand nombre d’épilepsies, ils n’ont pas fouillé. Enfin, l’Agence du médicament n’a pas joué son rôle, dans ces années – les mêmes que celles du Mediator- les conflits d’intérêts avec les laboratoires étaient nombreux.

« Le scandale de la Dépakine », rencontre avec Marine Martin le samedi 19 novembre à 16 heures à la Médiathèque José Cabanis de Toulouse (entrée libre et gratuite) dans le cadre de l’exposition « Impasses de la médecine : des remèdes fabuleux du Moyen Âge aux médicaments poisons du 20e siècle » jusqu’au 28 janvier à la Bibliothèque d’Etude et du patrimoine.

 

Source : Emmanuelle Rey

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