SPUTNIK, le 12 février 2021
Pris pour cible à cause du retard dans la fabrication de son vaccin contre le coronavirus, le laboratoire Sanofi se défend sur ses « choix stratégiques ». Pourtant, ceux qui le fustigent rappellent que le géant pharmaceutique a ouché des « millions de crédits d’Etat ». Ils s’ettonnent d’une telle posture victimaire.
Violemment critiqué pour le retard pris dans la fabrication du «vaccin national» contre le Covid-19, Olivier Bogillot, le patron de Sanofi en France, riposte en dénonçant l’acharnement dont son laboratoire serait la cible. Rejoints par des politiques et des représentants de la société civile, les représentants syndicaux du labo pointent du doigt les incohérences entre l’intérêt public et les orientations financières privilégiées par la direction.
Marine Martin préside l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant (APESAC). À ce titre, elle mène une croisade contre Sanofi depuis le «scandale sanitaire de la Dépakine». La position «victimaire» du laboratoire l’ébaubit.
«Aller se plaindre, alors qu’ils ont reçu des millions d’euros d’argent public sans découvrir le moindre vaccin? Ils y vont fort !», s’exclame Marine Martin au micro de Sputnik.
Et la présidente de l’APESAC rappele que Sanofi est désigné comme responsable dans l’affaire de la Dépakine, mais «refuse de payer sa part et attaque l’État pour récupérer l’argent qu’il a versé aux victimes dans le cadre de la procédure judiciaire». Marine Martin ne mâche pas ses mots:
«Encaisser pour redistribuer l’argent à ses actionnaires? J’appelle ça du pillage d’État. C’est culotté de venir se plaindre de “bashing” sur les plateaux télé», enfonce-t-elle.
Le point de critique principal envers le géant pharmaceutique réside dans un déséquilibre entre résultats concrets dans la création du vaccin et «financiarisation» de cette société transnationale, qui pèse 100 milliards d’euros.
400 postes supprimés dans la recherche
En période de «course au vaccin», un événement a choqué les représentants du personnel: la suppression programmée de 400 emplois supplémentaires dans la recherche pharmaceutique. Alors que, selon la CGT, Sanofi bénéficie au titre du crédit d’impôt recherche (CIR) d’un soutien annuel de 150 millions d’euros. Ce qui, sur une décennie, représente plus d’un milliard d’euros d’aides publiques.
En pointe lors de la contestation syndicale de la suppression des postes, Jean-Louis Peyren, coordonnateur de la CGT Sanofi, affirme que le «bashing a tout lieu d’être, parce que Sanofi a commis des erreurs».
«Outre l’erreur de communication consistant à annoncer la suppression de postes dans la recherche, il n’est pas capable de faire un vaccin contre le Covid, tout en annonçant un bénéfice en hausse de 340%. Il y a de quoi faire du “bashing”», tacle Jean-Louis Peyren.
Sanofi aurait pu «corriger le tir», contribuer à enrayer la pandémie tout en évitant la suppression des postes, soutient le cégétiste. Deux possibilités se présentent au laboratoire selon lui: d’une part, «la recherche sur les molécules à haute profitabilité» et donc le développement de médicaments à forte valeur ajoutée»; d’autre part, œuvrer, «dans l’intérêt sanitaire», «contre les maladies cardio-vasculaires, les maladies d’Alzheimer ou de Parkinson, ou perfectionner l’arsenal antibiotique».
«Sanofi a aujourd’hui les moyens économiques de mener de front les deux combats», conclut Jean-Louis Peyren. En d’autres termes, Sanofi aurait donc plus de moyens d’agir que de raisons de se plaindre.
Source : SPUTNIK, par Oxana Bobrovitch