La République des Pyrennées
L’ampleur du « scandale » sanitaire lié au valproate de sodium, la substance active de l’antiépileptique Dépakine, a été révélée mercredi par le ministère de la Santé, qui a reconnu que plus de 14.000 femmes enceintes avaient été « exposées » entre 2007 et 2014 à ce médicament nocif pour le foetus.
Sous la pression des familles de victimes, il a également annoncé une série de mesures dont la mise en place d’un dispositif d’indemnisation pour les victimes. Il devrait être validé par le Parlement d’ici à la fin de la l’année.
Marine Martin, la présidente de l’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac), qui alerte depuis 2011 sur les dangers du valproate et n’hésite pas à parler de « scandale d’Etat », s’en est prise mercredi au laboratoire Sanofi.
« J’attends que Sanofi s’exprime car aujourd’hui ils sont dans un silence total et le mépris des victimes. J’espère que le gouvernement saura être ferme et les obliger à participer au fonds d’indemnisation », a-t-elle dit.
Sanofi a réagi à l’étude en rappelant que la prescription du valproate était déconseillée chez les femmes enceintes pendant toute la période couverte par l’étude. « La question plus générale qui se pose est celle de la prise en compte de l’information par les différents acteurs de santé », a ajouté le laboratoire.
Commercialisée depuis 1967 en France, la Dépakine est sur la sellette comme tous les médicaments à base de valproate de sodium. Le principe actif présente un risque élevé – de l’ordre de 10% – de malformations congénitales mais également un risque accru d’autisme et de retards intellectuels et/ou de la marche, pouvant atteindre jusqu’à 40% des enfants exposés.
Connues depuis les années 1980, les malformations portent principalement sur le coeur, les reins, les membres, la colonne vertébrale (spina bifida) et incluent des becs de lièvre.
Les risques neuro-développementaux ont commencé à émerger au milieu des années 1990 mais il faudra attendre 2006 pour que le médicament, indispensable chez certains patients ne répondant pas aux autres antiépileptiques, soit déconseillé en cas de grossesse. Plus tard, en novembre 2014, un arbitrage européen a répertorié l’ensemble des risques.
Dans le premier volet d’une étude menée sur cette substance et présentée mercredi à l’association des victimes, l’agence du médicament ANSM relève que 8.701 enfants sont nés vivants entre 2007 et 2014 après avoir été exposés in utero au valproate.
Elle ne précise pas en revanche le nombre d’enfants atteints par des troubles. Cela va faire l’objet du second volet de l’étude, qui devrait être rendu public à la fin de l’année ou au début de l’année prochaine.
-« Des dizaines de milliers de victimes »-
« Les chiffres confirment l’intuition de l’Apesac, il y a beaucoup de victimes, vraisemblablement des dizaines de milliers de victimes », a commenté Me Charles Joseph-Oudin, le principal avocat des victimes, après la rencontre au ministère de la Santé.
Marine Martin extrapole pour sa part à 50.000 le nombre des victimes du valproate depuis le début de sa commercialisation en France, en 1967, par le laboratoire Sanofi, sous la marque Dépakine.
L’étude menée conjointement par l’ANSM et la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAMTS) ne porte toutefois que sur la période 2007-2014, des données complètes n’étant pas disponibles pour la période précédente, selon l’ANSM.
Au-delà de l’épilepsie, des traitements à base de valproate sont également utilisés pour traiter les troubles bipolaires, notamment sous les appellations Dépakote et Dépamide.
Parmi les mesures annoncées mercredi par le ministère de la santé figure un pictogramme, réclamé à corps et à cri par l’Apesac pour alerter sur les dangers du traitement. Il sera apposé sur les boîtes de médicament, en plus des mentions d’alerte déjà existantes.
Le ministère a également promis dans les six mois un dispositif permettant de faire prendre en charge « en totalité » par l’Assurance maladie les soins des patients reconnus dans le cadre d’un « protocole de dépistage et de signalement ».
Le Directeur général de la santé Benoit Vallet s’est félicité pour sa part de ce que l’exposition des femmes enceintes au valproate ait nettement diminué entre 2007 et 2014, passant de 2.316 en 2007 à 1.333 en 2014. « Même si, note-t-il, le nombre de femmes en âge de procréer qui continuent à en prendre reste encore beaucoup trop élevé » (environ 50.000 femmes en janvier 2016).
Les risques du valproate pour le foetus font l’objet de mises en garde dans de nombreux pays européens depuis 2014, notamment en Allemagne où une étude a été lancée par les autorités.
Des procédures judiciaires ont été engagées contre le laboratoire Abbott qui commercialise la molécule aux Etats-Unis.
Source : AFP
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