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De nouveaux soupçons pèsent sur la Dépakine

Le JDD

L’antiépileptique, dont la dangerosité a déjà été démontrée pour le fœtus, ferait courir de graves risques aux jeunes enfants en modifiant l’expression de certains gènes.

La Dépakine est commercialisée en France depuis 1967 et est aussi prescrite pour la maladie bipolaire et la migraine. (Sipa)

Le Pr Philippe Even, coauteur d’un best-seller iconoclaste sur les médicaments, porte à nouveau l’estocade contre les autorités de santé. Il vient de plonger dans le dossier de la Dépakine, cet antiépileptique très efficace mais qui peut causer malformations ou retard intellectuel chez l’enfant en cas de prise par la mère durant la grossesse. Aux yeux de l’ancien doyen de la faculté de médecine de Necker à Paris, la prescription à des femmes enceintes pourrait être la partie désormais immergée d’un plus vaste scandale sanitaire. « Ce produit est non seulement dangereux pour le fœtus mais aussi pour le jeune enfant », soutient-il.

En fouillant sur les moteurs de recherche spécialisés, le Pr Even a réalisé que le valproate de sodium, la substance commercialisée par ­Sanofi sous le nom de Dépakine et par d’autres laboratoires sous d’autres appellations, pouvait modifier l’expression de certains gènes. La lecture de ces quelque 200 articles scientifiques permet d’entrevoir pourquoi cette molécule donne une très grande diversité d’effets nocifs, particulièrement délétères quand ils surviennent chez un être en construction. En clair, le médecin alerte sur un risque épigénétique* qui serait resté hors des écrans de contrôle des autorités.

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La Dépakine pourrait influencer l’expression des gènes

Auteurs de plusieurs de ces recherches, les biologistes moléculaires français Sébastien Chateauvieux et Franck Morceau, qui travaillent au Luxembourg pour la fondation Recherche Cancer et Sang au Laboratoire de Biologie moléculaire et cellulaire du cancer, ont étudié pendant plusieurs années la toxicité du valproate sur les cellules.

 

Leurs investigations ont pour point de départ une découverte faite en 2001 à Philadelphie : la Dépakine, vendue depuis 1967 en France, n’a pas seulement une action sur les neurones, c’est aussi un inhibiteur d’enzymes très importantes pour la régulation de l’expression des gènes (inhibiteur des HDAC).

« Je m’y suis intéressé, comme beaucoup d’autres, avec l’idée d’applications possibles en cancérologie mais au lieu de mettre en évidence des ­effets positifs, mes expériences en laboratoire ont montré, par exemple, que ce produit inhibait la production des globules rouges », explique Franck Morceau. Au total, la surexpression de plus d’un millier de gènes avec le valproate a été mise en évidence.

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Le risque épigénétique est mal connu des médecins

« Ces résultats vont dans le même sens que les observations faites sur les enfants exposés durant la grossesse », observe Sébastien Chateauvieux, pour qui « le fait qu’une molécule qui modifie, en bien ou en mal, l’expression des gènes puisse perturber le développement embryonnaire, ­extrêmement précis, équilibré, coule de source ». Y a-t-il un danger pour le jeune enfant?

« Le développement du corps et du cerveau ne s’arrête pas à la naissance. Prescrire une molécule qui a pour rôle de modifier l’expression génique implique forcément un risque grave. » Théoriquement évident pour des chercheurs de laboratoire, ce risque épigénétique, non mentionné sur la notice du médicament, est mal connu des médecins.

« On ne sait pas si c’est dans un sens positif ou négatif »

Stéphane Auvin, neuropédiatre à l’hôpital Robert-Debré à Paris, appelle à la plus grande prudence avant de tirer des conclusions dramatiques de publications scientifiques. « Le valproate peut modifier l’épigénétique mais on ne sait pas si c’est dans un sens positif ou négatif. Un article suggère que cet effet favorise l’apprentissage de la reconnaissance de notes de musique! On a plutôt tendance à se méfier d’effets négatifs sur les apprentissages, et en particulier sur l’attention. » Le Pr Auvin martèle que la Dépakine est malheureusement le seul médicament efficace pour certains patients : « Ses effets secondaires possibles sont bien connus et devraient sans cesse être traqués par les prescripteurs. »

 

Généticien à l’hôpital de Vannes (Morbihan), Hubert Journel a été l’un des tout premiers à lancer l’alerte sur la Dépakine. Il reçoit depuis des années de nombreux couples et leurs enfants victimes. Lui aussi a lu les publications pointues qui inquiètent Philippe Even. Mieux, il collabore à la mise en place d’un projet de recherche sur ce sujet. « Oui, il y a une potentialité épigénétique en lien avec le médicament mais ses répercussions possibles demeurent mystérieuses. Les modifications qui peuvent être apportées par l’épigénétique pendant la grossesse ont des conséquences disparates, comme le suggèrent les signes cliniques très variés dus à l’exposition au valproate. La question est : comment met-on tout cela en équation? »

* Ce terme désigne les mécanismes entraînant une modification de l’expression des gènes par la cellule sans modification de l’ADN.

Source: JDD papier

 

 

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